samedi 31 juillet 2010

A l'assaut du Cap Rosso

Tranche d’âge : 5- 8 ans
Durée : 3mn 30


Le Cap Rosso, c’est haut ! Très très haut ! Tous les adultes ont bien prévenu l’enfant qui les accompagne. Il y a d’abord sa maman et son fiancé, Frédéric, sa grand-mère, son grand-père, et enfin Brigitte, une amie qui s’est invitée.
- Mais voyons, Jeanneton, a dit le grand-père, il faut monter 800 mètres d’altitude, tu n’y arriveras jamais !
- Parle pour toi, a répondu la grand-mère malicieuse. Ce sont tes vieilles jambes qui vont râler, pas la petite !
La « petite » s’est contentée de croiser les bras bien haut sur la poitrine et a proclamé en les fusillant du regard tous les deux :
- Je m’appelle Jeanne !
Le lendemain matin, les portables ont vrombi à 5 heures et demi dans les tentes du camping.
- Il faut partir très tôt, avait dit Frédéric, sinon la chaleur serait trop pénible.
La maman de Jeanne ronchonne un peu :
- Quelle idée de se lever si tôt pendant les vacances !
Elle profite encore quelques minutes de la douce chaleur de son duvet mais finit par se lever pour ne pas retarder la joyeuse équipe. Une heure plus tard, tout le monde prend son bâton et son courage pour affronter la pente.
Très vite, les recommandations pleuvent :
- Prends garde où tu mets les pieds, Jeannette, prévient Brigitte.
- Je m’appelle Jeanne ! se contente de répondre l’enfant qui a très bien remarqué que le chemin est jonché de cailloux et de racines.
Pendant une heure, l’ascension se déroule sans difficulté, puis on entend la voix de Frédéric qui a pris la tête du cortège :
- Attention, Jeannou, le chemin se rétrécit par ici, c’est dangereux !
Alors pour bien se faire entendre et peut-être aussi pour se faire comprendre, la petite fille hurle :
- Je m’appelle Jeanne !
- Ne crie pas si fort, dit sa maman, tu vas réveiller les marmottes !
Mais juste à ce moment là, on entend une clochette. Qu’est-ce que c’est ? Encore quelques pas et on distingue une multitude de chèvres accrochées au flanc la montagne. Elles regardent les passants avec intérêt et curiosité. C’est un spectacle éblouissant ! Plus personne ne regrette son lit douillet. Et chacun oublie ses petits soucis : un genou qui craque ; le dos qui fait mal ; le souffle qui se raccourcit … La scène extraordinaire des petites chèvres a stimulé tout le monde et le sommet est arrivé sans y penser.
Mais on ne peut pas en dire autant de la descente. Les adultes ne sont pas à la fête, leur poids écrase genoux et chevilles. On n’entend plus personne donner des conseils à Jeanne, qui saute allègrement de pierre en pierre, comme une chevrette. La grand-mère la regarde avec envie :
- Pourrais-tu me prêter ton bâton, Jeanne ?
Puis c’est au tour de Frédéric de solliciter l’enfant preste et vaillante :
- Ce serait bien, Jeanne, que tu prennes la tête pour trouver le meilleur chemin. Je pense que tout le monde est fatigué, il ne faudrait pas ajouter des difficultés.
L’enfant ne se fait pas prier. Puis c’est Brigitte qui lui demande de l’aider à passer un petit ruisseau.
- Merci Jeanne.
- Y a pas de quoi ! répond-elle, ravie que les adultes aient enfin compris comment elle s’appelle.
Enfin on arrive à la voiture et le grand-père, très fier de sa petite-fille, lui tend une bouteille dans laquelle il reste un peu de menthe à l’eau :
- Tu veux un p’tit coup, ma jolie princesse ?
- Merci, mon Papipounet. Tu peux m’appeler comme tu veux, toi. Je te pardonne tout ! Mais tout de même, je te rappelle que :
- Je m’appelle Jeanne !

dimanche 25 juillet 2010

La Mule des trois papets

Tranche d’âge : 4 – 7 ans
Durée : 4 mn 30


Il était une fois trois papets qui avaient chacun une mule. Celle-ci les emmenait chaque semaine au marché pour vendre quelques produits de leur ferme.
Un soir, les trois mules se retrouvent dans le champ d’un des papets et discutent de leur condition d’existence. Elles se plaignent du service qu’elles doivent accomplir chaque semaine : les chemins sont durs, les paniers de plus en plus lourds à porter et les papets ne sont pas toujours de bonne humeur. Elles décident alors, d’un commun accord, de faire un dernier voyage et de réclamer leur liberté.
Le lendemain matin, les mules sont toujours bien décidées mais chacune devra convaincre son papet.
René voit tout de suite, en attelant sa mule, qu’il se passe quelque chose de particulier. Il lui demande :
- Pourquoi fais-tu la tête ? Que veux-tu donc ?
Voyant que la mule ne répond pas, il insiste :
- Veux-tu que j’augmente ta ration quotidienne ?
La mule fait non avec sa tête.
- Veux-tu moins de chargement ?
L’animal fait encore un signe négatif et finit par avouer qu’elle ne désire qu’une seule chose : reprendre sa liberté. Cet aveu met immédiatement René dans une grande colère :
- Tout ce que tu veux, s’écrie-t-il, mais pas ça ! J’ai besoin de toi et il n’est pas question que tu t’en ailles !
Et il se met à l’injurier :
- Espèce de vieille bourrique ! Tu croyais que j’allais te donner ta liberté, comme ça ? Mais tu rêves, ma pauvre, tu es devenue folle ! Avance plutôt et que je n’entende plus jamais parler d’une idée pareille !
Les voilà enfin partis et René continue à insulter sa mule :
- Allez, bouge tes fesses plus vite, feignasse, ingrate !
Et il en va ainsi pendant tout le trajet. La pauvre mule doit subir les paroles violentes du paysan déchaîné. Mais elle ne renonce pas à son projet, bien au contraire. Les reproches et les insultes ont attisé son envie de liberté et elle n’aura plus aucun remords d’ échapper à René, dès qu’il aura le dos tourné.
La mule de Jules n’est pas mieux lotie. C’est même pire pour elle ; non seulement il l’injurie violemment mais il la bat pendant tout le voyage. La pauvre mule arrive au marché épuisée et tout endolorie. Elle n’a plus aucune raison de rester avec son tortionnaire ; elle se sauvera dès qu’elle pourra.
Mais tout est différent avec la mule de Fernand. Quand il apprend que sa mule désire reprendre sa liberté, il lève les bras au ciel et s’écrie :
- Bougre d’idiot que je suis, jamais je n’y avais pensé ! Jamais je ne t’ai demandé si tu étais d’accord d’être à mon service. J’en suis parfaitement désolé.
La mule le rassure en lui disant qu’elle a toujours été très bien traitée chez lui et qu’elle n’a jamais manqué de rien.
Alors, en caressant son poil soyeux, Fernand lui promet qu’il lui rendra sa liberté comme elle le demande. Et pendant tout le trajet, il la félicite pour sa bonté, sa loyauté, son courage et la remercie vivement de tous les services rendus. Il la cajole ainsi pendant tout le voyage.
Après avoir déchargé les paniers, il lui enlève sa bride et la regarde tristement en disant :
- Tu vas me manquer car j’ai de l’amitié pour toi, mais je te souhaite bonne chance et j’espère que tu seras heureuse.
C’est ainsi que les trois mules retrouvent leur liberté, les deux premières par la ruse et la dernière avec la faveur de son ancien propriétaire.
Les semaines suivantes sont bien difficiles pour les papets qui doivent eux-mêmes porter tous leurs paniers jusqu’au marché. Jules et René crient encore après leurs mules qui se sont échappées, tandis que Fernand regrette surtout les grands yeux intelligents de sa bête.
Mais quel n’est pas son étonnement quand il découvre, un beau matin, la mule devant sa porte.
- Que fais-tu donc là, ma belle ! Tu as oublié que je j’ai redonné ta liberté ?
La mule laisse entendre à Fernand qu’elle vient là en amie, seulement pour lui rendre visite et qu’elle en profitera pour l’aider à porter ses marchandises, puisque c’est le jour du marché. Elle insiste tant que Fernand finit par accepter et, pendant tout le trajet, ils devisent ensemble sur le monde et sur les deux autres mules qui sont parties loin d’ici, pour refaire leur vie.
Et il en va ainsi chaque semaine jusqu’au jour où la mule s’installe définitivement, pour le plaisir et l’amitié. En échange, Fernand lui a aménagé douillettement le meilleur coin de l’écurie, lui donne à manger, la soigne quand elle en a besoin et, ainsi, ils sont heureux ensemble.