dimanche 22 août 2010

Un Homme maladroit

Tranche d’âge : 5 – 8 ans
Durée : 5 mn

Il était une fois un homme maladroit. Depuis qu’il était petit, il cassait tout ce qui se trouvait sur son passage. Un joli vase que la tante de Paris venait d’offrir ? Patatras ! Il tombait avec fracas. Une barrière fraîchement repeinte ? Pouf ! Le garçon s’y collait sans attendre. Le vélo sur lequel il grimpait ? Boum ! Il était par terre au premier coup de pédales. Ses multiples maladresses étaient devenues des histoires drôles qu’on se racontait en famille. Et souvent il entendait ses parents qui disaient en riant :
- Ah la la ! Jamais on n’a vu aussi maladroit que notre Benoît !
Bien sûr, il n’allait plus jamais dans un magasin, de peur de renverser la marchandise ou de casser les objets les plus fragiles. Mais il n’allait plus non plus aux mariages de ses amis parce qu’il avait cassé plusieurs fois la vaisselle des mariés et que tout le monde disait que cela leur porterait malchance. En aucun cas, il ne voulait être responsable de leur divorce. Et plus personne ne lui faisait de cadeaux, prétextant qu’il cassait tout ce qu’on lui donnait.
Le pire, c’est qu’il était devenu aussi très maladroit en paroles. Lorsqu’il voulait dire :
- Comme je suis content de te voir !
Il disait :
- Je n’ai pas le temps de te recevoir.
C’était catastrophique, sa vie était triste à mourir et il était très malheureux.
Pourtant, il avait de nombreuses qualités. Si les gens avaient bien voulu oublier sa maladresse involontaire, ils auraient su qu’il était d’abord très attentif aux autres. Il savait les écouter et ne les jugeait jamais. Voilà une preuve de tolérance qui se fait de plus en plus rare et qui est donc très précieuse.
Il était aussi généreux. Les rares amis qui lui restaient le savaient bien. Il n’hésitait jamais à donner un coup de main à qui en avait besoin et il offrait facilement ce qu’il possédait s’il pouvait faire plaisir.
Et ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était la nature. Comme celle-ci ne craignait pas sa maladresse, elle le lui rendait bien. S’il devait couper un arbre, il en plantait aussitôt deux autres. Toujours. Alors les petits arbres s’évertuaient à grandir vite, très vite et il pouvait rapidement se reposer sous l’ombre de leur feuillage, admirer leur belle allure et déguster leurs fruits savoureux lorsqu’il s’agissait d’arbres fruitiers.
Mais la qualité qu’on distinguait tout de suite chez lui, c’était sa grande beauté. Non seulement il était svelte et bien fait mais son visage était magnifique. Chacun de ses traits était bien dessiné et quand il souriait, son regard et son visage tout entier s’illuminaient.
C’était précisément sur ce visage souriant que les yeux de Clémentine, la petite marchande de confiture, s’étaient arrêtés ce jour-là. Comme à son habitude, Benoît allait vendre les bons petits pains frais qu’il avait faits. Mais en passant devant l’étal de Clémentine, Oups ! Le grand maladroit avait failli tout mettre par terre. Pour s’excuser de la peur qu’il venait de provoquer chez la petite marchande, il se contenta de sourire. C’en était fait d’elle, aussitôt elle tomba amoureuse. Mais après ce jour fatal, elle ne le revit pas pendant des mois. Pourquoi ? Elle ne comprenait pas et elle languissait. Elle avait perdu le goût de tout, même de la confiture à la myrtille, sa préférée. Où donc était parti ce beau garçon ?
Eh bien, je vais vous le dire. Lui aussi était tombé amoureux mais il était effrayé à l’idée que la jolie petite marchande ne découvre son impitoyable maladresse, alors il faisait, chaque semaine, un grand détour pour l’éviter.
Un jour, n’en pouvant plus, Clémentine laissa là ses confitures et parcourut le grand marché pendant un bon moment jusqu’à ce qu’elle trouve Benoît. L’instant fut magique. Tous deux se reconnurent et lorsque la jeune fille posa enfin son regard sur les petits pains, elle vit qu’ils étaient tous en forme de cœur. Le garçon en prit un, le lui tendit en disant :
- Prends celui-là, c’est le plus beau, il est pour toi.
- Il ne serait pas meilleur avec un peu de confiture ? Lui répondit-elle avec un air entendu.
Benoît était aux anges. Aussitôt il proposa à Clémentine de venir installer son étal près du sien prétextant que les affaires seraient meilleures pour les deux marchands. Il lui demanda même si elle voulait bien s’occuper des petits pains tout de suite pendant qu’il irait lui-même chercher les pots de confiture.
Et c’est ainsi qu’ils se retrouvèrent chaque vendredi. L’amour avait changé Benoît, il n’avait plus peur d’être maladroit depuis le jour où il avait réussi à transporter l’étal rempli de pots de confiture, sans en casser un seul. Alors il s’enhardit et, un jour, demanda à Clémentine :
- Voudrais-tu avec moi continuer l’alphabet ? A Benoît et Clémentine, on pourrait ajouter une petite Doris, un petit Etienne, une Flora, un Gaétan, un Hugo, une Irène…
- D’accord, d’accord, s’empressa de répondre Clémentine qui n’attendait que cela, mais promets-moi tout de même, qu’on n’ira pas jusqu’au Z !