dimanche 26 décembre 2010

La Fille du château

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 6 mn

Il était une fois un châtelain et sa femme qui n’avaient qu’une seule fille. Mais elle était si belle et si douce qu’elle leur avait fait rapidement oublier le chagrin de n’avoir pas d’autres enfants.
Plus elle grandissait et plus sa beauté se distinguait. Ses longs cheveux bruns et bouclés descendaient en cascade jusqu’à ses reins et mettait en valeur sa taille fine et son allure élancée. Et personne ne pouvait être insensible à ses doux yeux couleur émeraude, sa bouche couleur rubis et son teint aussi frais que la rosée du matin.
Ses parents l’admiraient plus que tout au monde et ne voulaient pas penser au jour où elle tomberait amoureuse d’un chevalier de la contrée et irait vivre auprès de lui. Comme ils avaient fait fortune autrefois dans une ville lointaine, ils avaient décidé de s’installer dans un grand château isolé pour profiter de leur richesse sans soucis et sans jalousie de l’entourage.
Seul un autre couple vivait avec eux. Il s’agissait de Viviane et Théodore. Celui-ci s’occupait des jardins et des gros travaux de la maison quand son épouse était tout à la fois domestique, cuisinière et gouvernante. Elle savait aussi coudre et rapiécer tous les vêtements et pas seulement les vêtements. Les cœurs aussi car elle était sensible et très avisée. Lucile, la jeune fille du château, l’aimait beaucoup et c’est à elle, plus qu’à sa mère, qu’elle faisait des confidences.
Un jour, les parents de la jeune fille eurent cette discussion :
- Nous serons bien tristes lorsque notre fille devra nous quitter, n’est-ce pas mon cher mari ?
- Est-ce inévitable ? Ne serait-il pas possible de la garder auprès de nous ? Elle nous sera bien utile lorsque nous vieillirons, répondit le mari.
- Sans compter, continua la femme, qu’il faudrait nous défaire d’une partie de notre fortune et la donner à notre gendre !
- Je suis d’avis que nous la gardions auprès de nous, conclut le châtelain. Pourquoi partager cette douce et belle fille avec quelqu’un qui ne saurait même pas nous remercier ?
- Mais comment allons-nous faire pour l’empêcher de se marier ? demanda la châtelaine. Elle plaira sans aucun doute au premier jeune homme qui la verra.
- Nous habitons un endroit bien isolé. Il suffira donc, ma douce, siffla le mari, que nous fassions en sorte qu’aucun jeune prétentieux ne vienne jusqu’à nous. Notre Lucile n’aura aucun moyen de s’en aller si on ne vient pas la chercher. Certes elle trouvera le temps un peu long, mais elle s’y fera. Qu’en pensez-vous, ma bonne amie ?
- Ma foi, votre raisonnement n’est pas dénué de sens, faisons ainsi, lui répondit sa femme.
Et c’est ainsi que le sort de la pauvre Lucile fut scellé par ses parents.
Mais Viviane avait tout entendu et elle trouvait la situation particulièrement injuste pour la jeune fille. Comment ? Elle vivrait toute sa vie sans connaître les joies et les souffrances de l’amour ? Elle ne verrait jamais d’autre pays que le sien ? Elle ne connaîtrait pas d’autre nourriture que celle du château ? Voilà qui était insupportable à la fidèle servante. Elle se promit de trouver une solution pour venir en aide à la jeune fille qui n’avait pas la moindre idée des combines de ses parents. Viviane trouvait d’ailleurs à Lucile l’air souvent triste ces temps-ci et la mine de plus en plus pâle. Il fallait agir.
Alors elle avertit l’oiseau qui se tenait toujours sur la plus haute branche du vieux tilleul. A son tour, l’oiseau avertit tous les animaux de la forêt. Ils avaient pour mission d’amener un beau chevalier vers le château. Il ne leur fallut pas plus de deux jours pour trouver leur belle proie. C’était un jeune chevalier qui était parti un matin très tôt en quête d’aventures. Il chevauchait droit devant lui, et jamais il ne se serait douté qu’il y avait un château au-delà du sous-bois dont les chemins étaient presque impraticables, si les biches et les chevreuils qu’il poursuivait ne l’avaient si bien guidé.
Lorsqu’il arriva devant le grand château à la façade austère, il aperçut une personne qui lui faisait de grands signes. Intrigué et se demandant si quelqu’un avait besoin d’aide, il passa le portail et avança dans la cour du château. Viviane, voyant alors tout de suite qu’elle avait affaire à un vrai chevalier qui n’hésiterait pas à porter secours à une personne en difficulté, lui dit sans détours :
- Beau chevalier, c’est la chance qui vous amène ici car nous avons besoin d’aide. Une personne est emprisonnée dans ce château et cela nous rendrait mille services si vous pouviez la délivrer.
Mettant aussitôt la main à son épée, le chevalier demanda qu’on l’amène tout de suite auprès de cette personne. Viviane le fit patienter en lui racontant la vie du château tout en espérant la venue de Lucile. Celle-ci ne tarda point car elle avait entendu du bruit et tout ce qui pouvait égayer la vie du château l’intéressait, tant elle souffrait d’ennui.
Elle accourut donc jusqu’à ce qu’elle découvre ce que jamais elle n’aurait espéré voir dans cet endroit désert : un magnifique jeune homme avec un regard doux mais volontaire, d’une très belle taille et portant un habit qui lui allait à merveille. De son côté, le jeune chevalier resta stupéfait devant la grande beauté de la jeune fille qui ressemblait à un pauvre animal apeuré, tout droit sorti de sa tanière. A partir du moment où leurs yeux se rencontrèrent, ils comprirent tous deux qu’ils ne pourraient plus se quitter.
Viviane était heureuse, la première partie de son plan avait parfaitement réussi. Mais il restait les parents à convaincre et la tâche ne serait pas facile. Laissant les deux jeunes gens faire connaissance, elle partit à la recherche du châtelain et de son épouse. Quand enfin elle les trouva, elle leur fit une description si élogieuse du jeune homme que, passée la surprise d’avoir eu une telle visite, ils furent d’accord de le rencontrer. Mais Viviane voulait d’abord obtenir leur parole qu’ils laisseraient leur fille épouser le chevalier s’il leur convenait :
- Jamais ! dirent-ils en chœur. Nous aimons trop notre fille pour la laisser nous quitter.
- Réfléchissez un peu, intervint alors la fidèle gouvernante, est-ce l’aimer vraiment que de vouloir la garder pour vous ?
Les parents avaient toute confiance en Viviane. Jamais elle ne les avait trompés, jamais elle ne leur avait donné de mauvais conseils. Ils savaient aussi qu’elle leur avait consacré toute sa vie. Alors ils acceptèrent de se poser sincèrement la question. Viviane en profita pour ajouter :
- Si vous êtes de bons parents, vous devez aimer votre fille pour elle, et non pour vous.
Les parents durent admettre que Viviane avait raison et promirent qu’ils laisseraient partir leur fille si celle-ci le souhaitait.
Quand ils rencontrèrent le jeune chevalier, ils furent tous deux impressionnés par sa mine loyale et son regard franc. Au comble du bonheur, Lucile les embrassa tendrement et longuement.


Remerciements

Je remercie Laurent et nos enfants : Liv, Adrien et Aubert, pour leurs encouragements et leur assistance technique.
Je remercie particulièrement Adrien et Justine pour leur participation graphique.
Je remercie mes fidèles lecteurs et lectrices, les grands comme : Julia, Agnès, Catherine, Nanette, Florence, Mariam… et tous les autres.
Je n’oublie pas les petits lecteurs comme : Youna, Colin… et tous les autres.
Je remercie aussi tous ceux qui m'ont inspirée : Julia, Ali, Arnaud, Youna et Colin, Papé, à titre posthume, Jeanne et sa famille, Catherine et Claude qui m'ont rapporté l'histoire véridique du Cavalier du dimanche, sans oublier Gigi, la gazelle du quartier.
Merci également à Brigitte Bulard-Cordeau pour son accueil et ses conseils avisés.

Je dédie toutes ces histoires à Guillaume.

dimanche 19 décembre 2010

Marcellin est très curieux

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 5 mn

Marcellin, le Petit Lapin, est très curieux. Que voulez-vous, c’est sa nature ! Son père et sa mère l’ont fait comme ça, même si parfois, il leur arrive de dire qu’ils auraient préféré qu’il soit autrement. Surtout depuis qu’il pose toutes sortes de questions bizarres :
- Dis papa, pourquoi le ballon rebondit ?
- Dis maman, d’où vient la nuit ?
- Dis papa, est-ce qu’on entend des bruits dans l’espace ?
- Dis papa, pourquoi on a un nombril ?
- Dis maman, pourquoi un œuf, c’est pas carré ?
- Dis maman, pourquoi grand-mère, elle a un gros derrière ?
Oui, vraiment, il y a des jours où les parents de Marcellin aimeraient bien avoir un petit lapin moins curieux. Evidemment, depuis qu’on approche de Noël, les parents sont un peu inquiets. Que va encore leur demander leur Petit Lapin ?
- Comment le Père Noël fait-il pour passer dans la cheminée quand il n’y a pas de cheminée dans la maison ?
- Qui a choisi que le Père Noël serait un homme plutôt qu’une femme ?
Et bien sûr, la question à laquelle les parents ne savent jamais répondre :
- Comment le Père Noël fait-il pour déposer les cadeaux de tous les enfants du monde dans la même nuit ?
Pourtant les parents de Marcellin peuvent être tranquilles. Cette année, Marcellin ne leur demandera rien. Comme ils lui répètent souvent « qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même », eh bien, c’est exactement ce qu’il va faire, le Petit Lapin. Le soir de Noël, il fera semblant de s’endormir, attendra que toute la famille ait rejoint son lit et ira voir, dans le salon, ce qui se passe réellement sous le sapin.
Quand enfin la maison est devenue tout à fait silencieuse, il s’aventure prudemment dans l’escalier. Aïe ! A peine a-t-il touché la porte du salon, qu’elle se met à grincer comme si elle voulait le dénoncer. Alors le Petit Lapin impétueux décide de l’ouvrir d’un coup. Puis il attend les réactions. Ouf ! Apparemment il n’a réveillé personne, il peut continuer son escapade.
Quelle surprise ! Une marée de paquets a déjà envahi le salon. Il y en a de toutes les couleurs : des bleus, des verts, des jaunes et des dorés et surtout des rouges. C’est un spectacle éblouissant pour un petit lapin. Mais comment se fait-il qu’il n’ait rien entendu ? Se serait-il endormi sans s’en rendre compte ? Le Père Noël porterait-il des petits coussinets sous ses souliers ?
N’ayant pas de réponses à ses questions, Marcellin s’arrête un instant devant cette énorme vague de paquets en cherchant celui qui lui est destiné. Il aimerait bien avoir un avion mais il n’y a pas de paquets en forme d’avion. Il se demande un peu inquiet :
- Et si le Père Noël m’avait oublié cette année ?
Il regarde alors tous ces paquets entassés et il commence à se sentir bien seul. Une rafale de vent vient frapper les vitres de la fenêtre. Marcellin sursaute. Mais qui donc marche dans l’escalier qui grince ? Le Petit Lapin frissonne. Et le drôle de bruit qui vient du radiateur, qu’est-ce que c’est ? Marcellin tremble pour de bon.
- Ahhhhhhhhh ! crie-t-il tout à coup.
Et quand il voit Gramounette tout ébouriffée dans le salon, il se jette dans ses bras.
- Mais que fais-tu là mon Petit Lapin ? chuchote-t-elle. Tous les petits lapins de la ville sont couchés à cette heure-ci !
Marcellin reste sans voix et se contente de désigner à sa grand-mère un paquet qui bouge, là, sous le sapin. Et il se blottit tout contre elle. Gramounette n’a pas peur d’un paquet qui bouge, elle en a vu d’autres dans sa vie ! Elle le saisit et s’exclame :
- Regarde, Marcellin, c’est écrit « Gramounette » dessus. Alors, on va l’ouvrir ensemble et on verra ce qu’il a à nous dire celui-là. Tu es prêt ?
Marcellin est prêt, il n’a plus peur maintenant. Délicatement, Gramounette défait le paquet, sans déchirer le beau papier doré. Ils découvrent alors une petite boîte qu’ils ouvrent avec un regard complice.
- Oh ! Regarde Marcellin. C’est un téléphone portable ! Tu crois que je saurai m’en servir ? demande Gramounette tout intimidée.
Et c’est au tour de Marcellin de rassurer sa grand-mère :
- Bien sûr, Gramounette ! Je t’aiderai si tu veux. Mon copain Emilien, il en a un et il me le prête des fois. Regarde, le Père Noël a pensé à l’allumer. C’est pour ça qu’il a vibré. Dis, tu crois que c’est le Père Noël qui t’a appelé ?
- Ce serait très gentil de sa part en tout cas parce que je ne sais pas comment on fait pour allumer ce genre d’appareil, répond-elle.
Puis Gramounette réfléchit et dit :
- Tu sais ce qu’on va faire, mon Petit Marcellin. On va remettre cet appareil dans son paquet, à sa place et on va tranquillement retourner dans notre lit. Mais on ne dira rien. On ne dira rien, à personne ! Tu m’entends ?
Marcellin est très content de partager ce petit secret avec Gramounette. Il lui fait un signe de tête pour lui montrer qu’il est d’accord et il rit tout bas.
Doucement, sans faire de bruit, la grand-mère va reconduire son Petit Lapin jusque dans son lit. Elle s’assure qu’il a bien chaud et l’embrasse tendrement. Marcellin ferme les yeux et revoit la multitude de paquets qui scintillent sous le sapin. Il pense que la maison aussi à le droit de dormir. Elle doit être bien fatiguée avec tous les bruits qu’elle entend à longueur de temps.
Le lendemain matin, Marcellin est réveillé par des cavalcades dans l’escalier et des cris :
- Joyeux Noël ! Joyeux Noël !
Sans perdre un instant, à son tour, il dévale l’escalier. Rapidement il se retrouve avec un énorme avion dans les bras. C’était le plus gros paquet. Qu’est-ce qu’il est content ! Puis il entend sa Maman qui dit à Gramounette :
- Regarde, il y a un joli paquet doré pour toi !
- Oh ! Qu’est-ce que c’est ? interroge Gramounette, en déchirant le papier cette fois-ci et en adressant un clin d’œil à Marcellin.
Et le Petit Lapin se cache derrière son avion pour ne pas dévoiler le sourire complice qui pointe entre ses moustaches.

dimanche 12 décembre 2010

Tom, le Prince rebelle

Tranche d'âge : à partir de 5 ans
Durée : 7 mn


- Qu’est-ce qui t’amuse tant ? demande l’enfant au vieil homme qui prend le soleil sur un banc du jardin.
- Mais voyons, dit la mère du garçon, tu es bien indiscret, on ne pose pas de telles questions.
- Laissez, Madame, je vous en prie, je veux bien lui répondre et même lui raconter toute l’histoire. Tu vois, petit, continue le vieil homme en se tournant vers l’enfant, je viens de recevoir une carte postale qui me fait bien rire. Je vais t’expliquer pourquoi. Lorsque j’étais plus jeune, j’étais au service du roi de mon pays.
- Est-ce qu’il portait sa couronne, même pour manger et même pour dormir ? interroge l’enfant.
- Non, il ne porte sa couronne que dans les cérémonies. Sinon il vit à peu près comme tout le monde. Son épouse, la Princesse Clélia, ne la porte pas non plus tous les jours.
- Mais est-ce qu’elle a toujours de belles robes de princesse ? demande le petit curieux.
- Non, c’est une princesse moderne, elle aime s’habiller simplement et je pense même qu’elle aimerait vivre comme une femme ordinaire si son rang le lui permettait. Tu sais, dit le vieil homme, si tu m’interromps sans arrêt, je n’arriverai jamais au bout de mon histoire et tu ne sauras pas pourquoi je riais. Alors viens plutôt t’asseoir avec ta maman près de moi et maintenant écoute.
Et voici le récit du vieil homme :
« Cela peut paraître étrange aujourd’hui mais il y a encore de nombreux royaumes dans le monde. Certes, les rois et les reines n’ont pas beaucoup de pouvoir, mais enfin, ils représentent leur pays et personne ne conteste leur titre. Moi j’ai toujours habité au château puisque mon père travaillait déjà dans la famille royale lorsque je suis né. Je l’ai remplacé en tant que serviteur du Roi à la naissance de leur premier enfant, le petit Tom qui m’a tout de suite conquis avec sa figure joviale et son regard franc. Et je crois bien, ajoute le vieux monsieur en baissant légèrement la voix, que j’étais le préféré du petit prince, parmi tous les domestiques du royaume. Comme je m’occupais souvent de lui, j’ai très vite appris à le connaître. Je me suis aperçu assez tôt qu’il n’était pas à l’aise dans le rôle de Prince que sa condition lui imposait. Dès quatre ans, il dut paraître aux côtés de ses parents lorsque ceux-ci recevaient au château. Il était bien habillé pour l’occasion et portait le blason de la famille royale sur son veston. Il détestait cette tenue ainsi que le rôle qu’il devait jouer. Quand les ambassadeurs, les hommes et les femmes politiques le saluaient en lui disant :
- Tous mes respects, cher Prince.
Il ne manquait jamais de répondre :
- Je m’appelle Ti-Tom.
Il m’honorait beaucoup car c’est ainsi que je l’appelais. Puis, dès que la cérémonie était terminée, il courait vers sa chambre pour remettre son jean et ses baskets.
Heureusement pour lui, ses parents avaient choisi de l’envoyer à l’école plutôt que de lui donner un professeur particulier. C’était bien sûr une école principalement fréquentée par des enfants de bonne famille mais, comme par hasard, Tom choisissait toujours ses copains parmi les plus modestes et les moins riches. Oui, il préférait toujours la simplicité.
Je me souviens qu’un jour, il avait fait une crise terrible à ses parents car il ne voulait plus aller à l’école dans la voiture royale conduite par un des chauffeurs de la famille. Le Roi et la Princesse avaient fini par accepter qu’il prenne le bus mais à la seule condition que le chauffeur suive le bus, au cas où il se passerait quelque chose. Quelle histoire !
Les choses ne se sont pas améliorées par la suite pour notre petit Prince, bien au contraire. Lorsqu’il est devenu adolescent, il ne supportait plus du tout la vie qu’il devait mener à cause de son titre. Bien souvent, il lui arrivait de provoquer ses parents en leur disant qu’il voulait devenir bûcheron. Au début, cela faisait sourire le Roi et la Princesse mais ensuite celle-ci se fâchait en rétorquant :
- Voyons, tu sais bien que tu es destiné à devenir roi, à la suite de ton père !
Alors il répondait que sa sœur pouvait très bien le remplacer et qu’il lui laisserait volontiers le trône et tout ce qui va avec. Il est vrai que la belle et charmante Alexandra, qui est tout le contraire de son frère, aurait sans doute volontiers pris sa place. Mais les parents ne l’entendaient pas ainsi et la scène finissait toujours mal. Les disputes devinrent de plus en plus fréquentes jusqu’au jour où je vois mon Ti-Tom, sac au dos, mèche au vent et sourire au visage, se précipiter vers le portail d’entrée du château. Je l’interroge pour savoir où il va :
- Je m’en vais. J’étouffe ici, dit-il en pointant la façade du château familial de son menton.
- Mais que diront tes parents ? Que vont-ils devenir sans toi ?
Et pour la première fois de sa vie, il me regarde sévèrement et s’écrie :
- Ils deviendront ce qu’ils voudront mais moi, si je reste ici, je meurs.
Puis mon Ti-Tom s’excuse d’avoir parlé trop fort et m’explique qu’il ne veut pas être un Prince et encore moins un Roi, qu’il veut juste être quelqu’un comme tout le monde et qu’il a décidé de partir à l’aventure avec seulement son sac à dos et un peu d’argent. Il me fait promettre de tenir ma langue, au moins pendant deux jours, le temps qu’il s’éloigne. J’essaie de le convaincre de prévenir sa mère qui risque de se faire beaucoup de soucis mais il ne veut rien entendre, alors j’accepte ses conditions et je pose les miennes. Il devra m’envoyer une carte postale à chaque fois qu’il changera de région ou de pays. C’est comme ça que j’ai reçu des cartes postales de nombreux pays d’Europe et pas seulement. J’en ai reçu aussi d’Egypte, du Liban, qui paraît-il est un très beau pays, de la Chine, du Japon, du Canada… Ah ! Quel voyage il se paye ce Ti-Tom. La seule chose que je regrette, c’est de ne pas être parti avec lui.
Surtout que vous imaginez bien que cela a été terrible pour moi de me taire pendant deux jours. Les pauvres parents étaient catastrophés. C’était la folie au château et dans la presse. Tout le monde pensait que le Prince avait été enlevé et on attendait avec angoisse la demande de rançon. Au bout de deux jours, j’ai pu me libérer de mon secret et la Princesse Clélia ne m’a pas fait de reproches tant elle était heureuse d’avoir cette bonne nouvelle. Après tout, je pense qu’elle ne tient pas tellement à ce que son fils devienne roi s’il n’en a pas vraiment le désir.
Voyant cela, je lui ai promis de lui donner des nouvelles à chaque fois que je recevrais une carte postale. Elle m’a chaleureusement remercié.
La semaine dernière, j’ai reçu une carte postale de Suède. Ti-Tom me racontait qu’il avait rencontré la femme de sa vie. « C’est une belle jeune fille intelligente et très naturelle », m’expliquait-il. Ils se connaissent depuis plusieurs mois car il était déjà passé par ce pays l’année dernière. Le coup de foudre étant réciproque, ils ont l’intention de se marier.
Puis, s’adressant au petit garçon, le vieil homme ajoute en riant :
- Et sais-tu ce qu’il y a sur cette carte postale que je viens de recevoir ?
Le garçon fait non de la tête et le vieil homme continue :
- Je te lis ce qui est écrit. Ecoute bien : « L’autre jour, Ingrid ( c’est sa fiancée ) et moi étions sur les rochers et nous admirions la mer. Tout à coup elle m’a pris la main et m’a annoncé d’un ton léger : sais-tu que j’ai le titre de Princesse par ma grand-mère qui était fille du Roi de Suède ? Aussi j’ai le plaisir de t’annoncer que tu deviendras Prince lorsque nous nous marierons. J’ai tourné la tête pour qu’elle ne voie pas ma déception mais vraiment je maudis ce méchant sort qui me condamne à être ce que je ne veux pas. » Et Ti-Tom finissait son courrier en ajoutant : « Toutefois je me console en me disant que je n’ai aucune chance de devenir Roi ici. Alors je ferai en sorte d’oublier mon titre et j’essaierai d’être le meilleur mari du monde. »
Et le vieux serviteur ajoute en souriant :
- S’il ne devient pas Roi, il sera bien le seul à être Prince deux fois ! Comme quoi, on n’échappe pas à son destin.
C’est sur cette parole que le vieil homme s’est levé et est sorti du jardin en ajoutant :
- Si vous venez demain à la même heure, je vous raconterai l’histoire de la petite Princesse Alexandra. Ce n’est pas mal non plus !

dimanche 5 décembre 2010

Y aura-t-il de la neige à Noël ?

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 5 mn


En tant que Grand Maître du Ciel, le Soleil n’est pas du tout content. Depuis deux jours, on l’entend hurler :
- Quelle pagaille dans ce Ciel ! Quel chambardement ! Mais qui m’a fichu un tel bazar ?
Et à chaque fois que les nuages l’entendent, ils frémissent, ils rougissent, ils blêmissent car ils se sentent un peu responsables de ce qui est arrivé. Et savez-vous ce que c’est ? C’est la neige. La neige qu’ils ont envoyée trop tôt cette année.
Puis on entend aussi le Vent qui souffle :
- C’est vrai, faut-être un peu idiot pour se tromper de date à ce point. C’est le 25 décembre qu’il faut envoyer la neige, pas le 25 novembre !
- Oui, où aviez-vous la tête, mes pauvres camarades ? ajoute la Lune de sa voix cristalline.
- Taisez-vous donc tous, rétorquent les Etoiles. Les enfants adorent ça ! On peut bien leur faire plaisir, non ?
Mais le Soleil déteste être contredit, alors il crie encore plus fort :
- Moi, vivant, jamais on ne refera un coup pareil !
- Bien Grand Maître, chantent les Etoiles en chœur.
Et elles ajoutent tous bas :
- Vieux ronchon !
Puis elle filent consoler les Nuages qui ne cessent de pleurer. D’abord elles se fâchent :
- Arrêtez-ça tout de suite ! Vos larmes se transforment en grêlons maintenant. Vous allez tout gâcher. Regardez comme c’est beau !
Elles ont raison, les Etoiles, les paysages sont magnifiques.
Ici, la neige adoucit les pentes trop raides et les coins abruptes des immeubles. En recouvrant la ville d’un voile doux et léger, c’est comme si elle voulait rassembler tous les habitants dans le même rêve.
Là, elle immobilise les bateaux du port qui ressemblent maintenant à un jeu de quilles.
Plus loin, elle transforme un quartier ordinaire en vaste terrain de jeux pour les enfants. Certains se roulent dans l’épais manteau avec gourmandise, d’autres font de superbes bonhommes de neige. Un autre groupe se livre à une gigantesque bataille avec tant de plaisir que les enfants se retrouvent par terre à côté des premiers. Quelle rigolade !
C’est aussi ce qu’a constaté le Vent qui revient d’une petite escapade sur Terre :
- Ouais, finalement, vous avez raison, les Etoiles, ils s’amusent drôlement bien les enfants !
La Lune alors s’interroge à son tour mais elle reste sceptique :
- On dit pourtant qu’ « à la Sainte Catherine, tout bois prend racine ».
- Qu’est-ce que ça veut dire, demandent les Nuages qui ont enfin séché leurs larmes.
La Lune leur explique que le 25 novembre, jour de la Sainte Catherine, c’est la période idéale pour planter les arbres et les arbustes. Et quand elle ajoute qu’avec la neige, les racines ne seront pas à la fête, les nuages recommencent à baisser la tête.
Mais les Etoiles, qui ont réponse à tout, taquinent la Lune :
- On voit bien que Mademoiselle ne connaît pas l’autre expression :
Sainte Catherine,
Amène la farine.
Vexée d’avoir été si bien rembarrée, la Lune s’éclipse furtivement.
Ne vous inquiétez pas, les enfants, le soir même, elle enverra sur Terre sa plus belle lumière, ce qui fera dire aux gens en train de fermer leurs volets avant la nuit :
- Quel dommage d’être obligé d’aller se coucher, c’est si beau !
Mais le Soleil bougonne toujours dans son coin. Il a décidé qu’il ne changerait pas d’avis, ne serait-ce que pour montrer que c’est toujours lui le Grand Chef.
Alors les Etoiles dansent autour de lui, le Vent souffle dans son dos et la Lune lui sourit tendrement pour l’amener à regarder ce qu’il se passe sur la Terre.
Un moment, ils se retrouve piégé. Il ne peut plus faire autrement que d’admirer la grande excitation d’un groupe d’enfants qui s’amusent.
- D’accord, dit-il, ils sont contents mais ils auraient tout aussi bien pu attendre Noël !
Et tout en proférant cette parole, il aperçoit une petite fille à l’écart. Elle est bien pâle, se recroqueville sur elle-même et ses yeux sont tristes. Elle a froid.
Alors, laissant de côté sa fierté de Grand Chef, sa dignité de Maître du Ciel, il envoie quelques rayons juste à ses pieds. Aussitôt, la petite fille admire le scintillement de la neige et ses reflets de toutes les couleurs. Elle se détend, laisse naître un sourire sur son beau visage et part en courant rejoindre les autres.
Le Soleil ne veut pas montrer qu’il est content mais il est très content. Alors il inonde la Terre de ses plus beaux rayons et tout le monde s’extasie devant la beauté magique de la Nature.
Discrètement, les Nuages, le Vent, la Lune et les Etoiles se retirent. Et lorsque ces dernières demandent :
- Y aura-t-il de la neige à Noël ?
Les Nuages répondent timidement :
- Promis, on fera tout notre possible !

Alors, les enfants, il ne suffit pas de faire sa lettre au Père Noël, il faut aussi écrire aux Nuages pour les encourager. Ainsi, ils nous enverront de beaux flocons qui transformeront notre quotidien en véritable monde féerique.

Petite note pour les parents : C’est volontairement que j’ai repris le titre d’un très beau film de Sandrine Veysset : «Y aura-t-il de la neige à Noël ? », sorti en 1998. C’est le moment de le regarder !

dimanche 28 novembre 2010

Où sont-ils passés ?

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 5mn 30

Mariette se promène souvent à la Colline aux oiseaux. C’est un parc magnifique où l’on peut s’amuser, se détendre ou admirer les diverses plantations que les jardiniers de la ville entretiennent avec amour. Il est composé de plusieurs jardins où chacun peut trouver son bonheur. Mariette ne s’y rend jamais sans une attention particulière pour le jardin des vivaces, très différent d’une saison à l’autre mais qu’il ne faut surtout pas manquer au printemps quand de petites fleurs tendres et délicates sortent de la terre encore toute fraîche. Puis la promeneuse surplombe le labyrinthe. Elle regarde les enfants qui cherchent leur chemin en riant et elle ferme les yeux. Elle revoit la tête blonde des siens courir entre les haies de buis, en riant aussi, exactement comme ceux d’aujourd’hui. C’était il y a longtemps déjà mais ce moment précieux de joie toute simple est resté gravé dans sa mémoire.
S’il l’on est au mois de juin, elle se laisse ensuite envelopper du parfum, doux et subtil, des roses qui s’offrent par milliers dans la superbe roseraie. Il faut du temps pour la parcourir et admirer chaque rosier. Parfois Mariette y passe un après-midi entier. Mais d’autres fois, elle continue sa promenade et, en traversant les jardins du monde, elle fait un grand voyage.
Puis en sortant de sa rêverie, elle commence à se réjouir. Bientôt elle arrivera à l’étang et elle verra ses canards. Quoi de plus élégant qu’un canard ? Il glisse si légèrement sur l’eau qu’on dirait qu’il est en apesanteur. Il plonge si rapidement sa tête dans l’eau qu’on n’a pas le temps de distinguer le mouvement, on voit juste les gouttes perler sur son beau plumage. Là, le mâle est tout à son avantage. Toutes les nuances de gris-brun de son corps mettent en valeur le vert brillant de sa tête, son bec jaune et son collier blanc. Quelle allure ! Et quand il s’envole pour faire un petit tour au-dessus de l’étang, on admire sa grâce. Mais on admire plus encore l’atterrissage du gros oiseau qui se pose délicatement sur l’eau comme une pétale de fleur se poserait sur l’herbe douce.
Aujourd’hui, Mariette est surprise. En arrivant près de l’étang, elle n’entend pas les « coin-coin » habituels qui lui indiquent la présence des canards. Que font-ils donc ? Où sont-ils passés ? Elle aperçoit tout de suite les oies avec leur démarche un peu pataude, leur corps lourd et dodu, leur bec toujours prêt à attraper le mollet d’un passant. Elle entend les mouettes qui crient, elle remarque au passage leur bec noir et crochu. Mais pas de traces de canards. Seraient-ils partis ? Définitivement partis pour des contrées lointaines ? Après tout, ce sont des canards sauvages, personne ne les nourrit ici, ils peuvent bien s’en aller où le vent les mène. Mariette ne veut pas y croire. Elle s’approche du bord de l’étang ; l’odeur fade de la vase lui donne légèrement mal au cœur. Ah ! Tout serait différent si les canards étaient là !
Elle se souvient de la joie qu’elle avait eue au printemps dernier, le jour où elle avait vu la cane et ses petits apparaître de la berge de l’étang. Comme c’était charmant de regarder cette cohorte de petites boules de duvet jaune animées par des yeux vifs et brillants ! Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze. Elle en avait d’abord compté douze. Puis un treizième. Alors elle avait recompté. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize. C’était bien cela. Treize ! Treize à la douzaine ! Comment la maman cane pouvait-elle bien s’occuper de tout ce petit monde ? C’était le moindre de leurs soucis, à eux. Ils voguaient tranquillement, tous à la queue leu leu, bien contents d’être là. Mariette avait compris pourquoi la cane arborait sa belle robe d’un brun mouchetée de jaune ; c’était le même jaune que celui de ses petits. Oui, le spectacle était vraiment réussi !
Mais aujourd’hui, plus de canetons, plus de maman cane, plus rien ! Mariette se sent seule tout à coup. Elle ferme les yeux un instant en espérant que les canards seront là quand elle les ouvrira à nouveau. Mais en vain, les canards sont toujours les grands absents de l’étang.
Alors, elle s’assoit sur un banc pour réfléchir un petit moment. Elle fait un vœu : si les canards réapparaissent, alors elle ne mangera plus jamais d’aiguillettes de canards avec des abricots, des pruneaux ou des petits pois.
Elle attend dix minutes, puis vingt, puis trente. Enfin, le cœur en peine, elle décide de s’en aller. Mais au moment précis où elle quitte son banc, une, puis deux, puis trois têtes vertes apparaissent comme par enchantement de la berge de l’étang. Les mâles sont suivis de quatre canes au plumage moucheté de jaune. Ils ont toujours fière allure, les canards, et ils sont bien loin de se douter du souci que Mariette s’était fait pour eux. Ils s’abritaient sans doute dans le bouquet d’herbes touffues qui bordent l’étang. Et si c’étaient les petits canetons du printemps ?
Mariette reste là un moment à les admirer. Puis, en espérant les revoir bientôt, elle s’en va.
Sur le chemin du retour, elle se dit que, décidément, rien n’est plus gracieux qu’un canard sur l’eau. Elle se dit aussi que rien n’est meilleur qu’un canard aux petits légumes. Quel dilemme !
- Mais ce ne sont pas ceux-là que l’on mange, s’exclame-t-elle tout à coup, contente d’avoir trouvé la parade. Ce sont des canards domestiques, élevés dans des fermes. Alors, ça change tout !
Et elle rentre l’esprit tranquille, en inventant une nouvelle recette qui s’appellerait : Canard farci aux amandes grillées. Miam, miam !

dimanche 21 novembre 2010

Au Musée

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 7 mn

Depuis plusieurs décennies, la famille Grigri habite dans les sous-sols du musée. C’est grand, c’est bien aéré et ce n’est pas bruyant. Et surtout, l’énorme avantage d’habiter dans un musée, c’est de pouvoir s’y promener. C’est décidé, pour rien au monde, les petites souris ne déménageraient.
Evidemment, ce n’est pas toujours facile de se mêler aux visiteurs et c’est parfois risqué de se rendre dans les salles du musée. Elles doivent être prudentes, les petites souris, et un peu malignes aussi pour ne pas être aperçues. Pas de problème pour cela, elles ont très vite compris qu’il suffit de bien observer le surveillant de la salle. Quand ses yeux commencent à se fermer ou qu’il est plongé dans un bon livre, on peut y aller ! Quant aux visiteurs, ils n’ont que faire de ce qui se passe à leurs pieds, ils ont tous le nez collé sur les tableaux exposés à hauteur de leurs yeux.
Les petits trous qui permettent d’aller dans les salles ont été créés par les générations précédentes, alors, à chaque fois que les petites souris s’apprêtent à faire un tour là-haut, elles ne manquent jamais de murmurer :
- Merci arrière-arrière grand-père souris, sans toi, on ne s’amuserait pas autant.
C’est une sorte de prière qu’elles font pour que tout se passe bien. Avant de sortir , elles examinent les chaussures qui défilent, histoire de savoir quel public déambule dans la salle. Bien souvent, ce sont des grandes chaussures, noires ou marron, bien entretenues et bien lacées. Elles concluent alors qu’elles ne trouveront dans cette salle que des adultes bien sages qui marchent tranquillement devant les tableaux en faisant toujours les mêmes commentaires :
- Regarde comme c’est joli, cette couleur est vraiment délicate et cet arrondi est si parfait !
C’est d’ailleurs très souvent ces mêmes visiteurs qu’elles rencontrent dans le musée. Sauf dans la salle des peintures contemporaines, beaucoup plus modernes, ou lors des expositions exceptionnelles. Là, elles voient des chaussures très différentes : des chaussures de sport, des bottes, des chaussures de toutes les couleurs et même des chaussures très rigolotes.
C’est donc cette salle qui est la plus recherchée chez les souris, c’est plus intéressant et surtout plus varié. Parce que j’ai oublié de vous dire que chacune a son « département », comme elles disent. Et ce sont bizarrement les aînées ou les plus fortes qui obtiennent les meilleurs départements. Comme par hasard, la petite souris blanche, en plus d’être souvent moquée par ses frères et sœurs parce qu’elle est différente des autres, a hérité d’un département qui n’a pas beaucoup de succès, c’est la salle des Vanités.
C’est une salle un peu sombre dans laquelle on ne trouve que des tableaux anciens qui ne sont pas très attirants. On y voit des crânes qui côtoient des horloges et des fruits à moitié épluchés. Quel drôle de mélange ! En plus de cela, les tableaux sont si petits qu’on ne distingue pas grand-chose. Oui, la petite souris blanche s’ennuie dans son département et bien souvent, elle n’a rien à raconter aux autres après son petit tour. Elle aimerait bien changer mais qui lui laissera sa place ?
Un jour, en jetant un coup d’œil rapide à son département, elle voit d’abord une paire de baskets, puis deux, puis trois. Ensuite elle aperçoit une paire de ballerines roses. Dans le même temps, elle se rend compte que toutes ces chaussures sont plus petites que celles qu’elle voit d’habitude. Elle entend aussi des voix, des rires. Tout cela est très agréable et change terriblement du grand silence qui règne toujours dans cette salle.
Tout à coup, une paire d’escarpins à talons vient se placer juste devant les autres chaussures et on entend une voix :
- Bonjour les enfants et bienvenue au musée. Je m’appelle Melle Verdurin et je suis votre guide. J’ai choisi de vous montrer ce célèbre tableau d’un peintre hollandais du XIIème siècle qui s’intitule : « Nature morte à la jarre d’argent ». Une nature morte, c’est une œuvre qui représente des objets du quotidien et souvent des tables richement parées. C’est l’occasion pour les artistes de montrer leur savoir-faire. Regardez comme ce tissu de velours est bien rendu, on sent sa douceur comme si on le touchait. Maintenant, observez le second plan.
C’est à ce moment là que la souris blanche a décidé de faire quelque chose pour les enfants. Comment allaient-ils retrouver le premier plan, l’arrière-plan et le second plan si on ne les aidait pas un peu ? Alors, malgré le risque, elle est sortie subitement de son trou, a grimpé sur le mur pour se placer juste à côté du second plan que voulait montrer Melle Verdurin.
En chœur, les enfants font un « Oh » d’émerveillement. Leur guide, très contente, continue ses explications :
- Admirez les beaux fruits à moitié épluchés, prêts à être dégustés ; l’orange et le raisin à droite, le fruit de la passion à gauche…
Cela devient sportif pour la petite souris. Vite, elle court d’un côté à l’autre entraînant les yeux des enfants. Maintenant ils voient ces fruits et sont d’accord avec Melle Verdurin, ils ont l’eau à la bouche. Puis la guide évoque les objets du tableau : toutes sortes de plats, un panier, un couteau et la fameuse jarre d’argent.
Pendant ce temps la petite souris s’agite dans tous les sens pour montrer aux enfants où se trouve chaque objet. Ils comprennent que la jarre est un récipient qui contient un liquide, du vin sans doute.
- Et tout au fond, demande malicieusement Melle Verdurin, que voyez-vous ?
Vite, vite, la petite souris se place bien en face de l’objet à remarquer dans le fond du tableau qui semble tout noir. A la stupéfaction de leur guide, les enfants crient tous en même temps :
- Une autre jarre !
- Très bien, s’exclame-t-elle. C’est une des grandes qualités de ces peintures qu’on appelle des Vanités, précise-t-elle. Elles renferment des trésors invisibles au premier coup d’œil. Et, au lieu d’être tristes et sinistres comme la plupart des gens le pensent, ces peintures sont belles et colorées. Regardez comme les couleurs chaudes des fruits, du pain et de la viande ressortent. Et l’aspect brillant des jarres et des plats ne nous invite-t-il pas à déguster ce bon festin ?
Melle Verdurin est aussitôt interrompue par des « Hum ! » et des « j’ai faim ! » qui rappellent à tous que c’est bientôt l’heure du déjeuner.
- Eh bien les enfants, il ne me reste plus qu’à vous féliciter. Jamais je n’ai vu une classe aussi intéressée et aussi observatrice.
En disant ces mots , elle applaudit très fort et s’incline légèrement pour remercier son public attentif. A leur tour, les enfants applaudissent. Melle Verdurin est toute rose de satisfaction mais la petite souris sait bien à qui sont réellement destinés ces applaudissements. Elle est très heureuse et plus jamais elle ne demandera à changer de département, il lui reste tant de tableaux à regarder !

dimanche 14 novembre 2010

Le Piano bleu

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 5 mn

Lucile n’est plus toute jeune. Ses enfants ont grandi et sont partis de la maison vivre leur vie. Et c’est au tour de ses parents maintenant de quitter leur maison. Ils ont choisi d’aller dans une résidence coquette où on pourra s’occuper d’eux. Mais que faire de la maison ? Il faut la vider pour la louer. C’est un sacré travail. Les parents de Lucile ont accumulé tant de choses qu’elle ne sait pas par quoi commencer. Son frère et sa sœur sont déjà venus quelques jours et, ensemble, ils se sont répartis les meubles, la vaisselle et quelques objets. Mais comme ils habitent loin tous les deux, ils ont laissé à Lucile le soin de terminer le travail. Quel cadeau ! a-t-elle pensé quand ils lui ont dit qu’elle pouvait tout garder.
Pour s’en sortir, elle décide de débarrasser une pièce chaque week-end. Ainsi, elle aura fini pour Noël. Elle commence par la cuisine, la salle de bain et s’attaque ensuite au salon et au bureau. Il ne reste plus que la chambre et une entrée avec un placard à bazar. Que va-t-elle bien trouver là-dedans ?
Il y a vraiment de tout : des rouleaux de papier peint, une boîte de cirage, des pots de peinture à moitié vides, une paire de bottes démodée, des cadres de photos et une pile de vieux journaux. Au fond du placard, Lucile distingue encore un rideau. Elle se penche pour l’écarter mais la pénombre est profonde et elle ne voit pas grand-chose. Tout à coup, en même temps qu’elle touche un objet, elle entend comme une note de musique. Surprise, elle saisit l’objet pour le ramener à la lumière. C’est alors qu’une grande émotion s’empare d’elle et qu’un maigre filet de voix sort de sa gorge :
- Mon dieu ! Je l’avais oublié.
C’est son piano bleu. Les souvenirs affluent brutalement à la mémoire de Lucile et ses yeux se voilent de larmes. Mais le piano est cassé.
- Comment ai-je pu casser ce piano que j’aimais tant ? demande-t-elle, comme s’il y avait un petit lutin au fond du placard pour lui répondre.
C’est sa mère qui va lui donner la réponse le lendemain, quand Lucile va rendre visite à ses parents.
- Ma pauvre enfant ! Ce que tu as pu en jouer de ce piano ! Depuis le premier jour où tu l’as reçu. Je me souviens, c’était un Noël particulièrement glacial. On ne pouvait pas mettre le nez dehors et tu ne cessais de jouer sur ton petit piano. Toute la journée, du matin au soir, le piano chantait ou bien hurlait selon ton humeur. Ton père et moi, on le supportait parce qu’on savait que c’était important pour toi. Mais ton frère et ta sœur n’en pouvaient plus. Alors un jour, quand on est rentrées toutes les deux d’un rendez-vous que tu avais chez le médecin, on a retrouvé le piano cassé. Je n’ai jamais su s’ils l’avaient fait exprès ou pas. Quand tu as vu ça, tu as disparu tout l’après-midi. Tu as dû aller te cacher quelque part, j’ai fini par m’inquiéter mais tu es réapparue le soir. Tu avais l’air triste et le regard sombre mais tu ne pleurais pas. Jamais je ne t’ai entendu réclamer ton piano mais je l’ai gardé, en souvenir, et en espérant qu’un jour on pourrait le faire réparer. J’ai fini par l’oublier au fond du placard.
Pendant que sa mère évoque ce petit piano qui lui avait donné tant de joie, Lucile a senti les larmes à nouveau brouiller son regard. Puis ces larmes qu’elle n’avait pas versées quand elle était une petite fille déferlent maintenant sur son visage. Elle pleure la musique perdue de son enfance et se rappelle la promesse qu’elle s’était faite en jouant sur son piano bleu, celle de jouer du piano toute sa vie. Emue par le chagrin de sa fille, sa mère lui prend la main et murmure :
- Je suis désolée, je suis vraiment désolée.
Mais Lucile se reprend, se mouche bruyamment et sort précipitamment. Elle vient d’avoir une idée.
En rentrant chez elle, elle se jette sur le tabouret de son piano, un vrai, un grand, celui-là, et se remet à jouer. Au début, c’est très décevant. Ce sont des notes brutales qu’elle entend mais petit à petit, de vraies phrases musicales naissent sous ses doigts. Elle accompagne cette petite musique de sa jolie voix jusqu’à ce que la nuit envahisse sa maison.
Sa décision est prise, c’est exactement ce qu’elle va faire. Elle proposera à tous les enfants du quartier, surtout à ceux qui n’ont pas de piano chez eux, de venir jouer tant qu’ils veulent sur son grand piano noir. Le lendemain, elle en parle à ses voisines, distribue des petits papiers dans les boîtes aux lettres et elle attend.
Le premier mercredi, il n’y a pas foule. Seuls, Malik et Salomé sont venus. Mais dès le mercredi suivant, ils ont amené des amis qui en ont amenés aussi.
Maintenant, chaque mercredi, la maison de Lucile bruisse de toutes sortes de musiques enchanteresses. Les Fantaisies en Ré mineur bousculent les Sonates en Do majeur, les Rondo et les Allegretto font le gros dos quand arrivent les Menuets guillerets de Mozart ou les Tendres plaintes de Rameau. Puis aux Gymnopédies d’Erik Satie répondent toutes les chansons d’aujourd’hui.
Et les après-midis chez Lucile se terminent toujours par un grand goûter. On se parle par phrases musicales et on déguste de bons gâteaux, des brioches bien dorées avec du miel et du chocolat. Quel régal !
Ces après-midis passent si vite que jamais Malik n’a eu le temps de poser une question qui l’intrigue un peu :
- Pourquoi Lucile appelle-t-elle ces séances du mercredi, « le Piano bleu » ? Parce qu’il est noir son piano !
Peut-être réussira-t-il à poser sa question mercredi prochain ? Qui sait !

dimanche 7 novembre 2010

Renardeau est trop gros

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 4 mn

C’est toujours avec un peu d’appréhension que Renardeau monte sur la balance du Docteur Dujardin. Aujourd’hui, ce sera certainement catastrophique. Il entend déjà le Docteur s’écrier en faisant les gros yeux :
- Oh Renardeau, encore deux kilos !
Effectivement, c’est pire que d’habitude :
- Oh Renardeau, encore trois kilos !
Cependant, au lieu de faire les gros yeux, le Docteur lui tend une brochure pleine de couleurs en lui demandant de la regarder attentivement avec sa maman. Comme Renardeau est très poli, il dit : « Oui, oui … ». Mais ce n’est plus la même chanson quand il se retrouve dans la voiture avec sa maman. Maintenant, c’est plutôt : « Non, non ! ». Et il ajoute en criant de plus en plus fort :
- J’en veux pas de son régime, j’le f’rai jamais !
- On pourra quand même le regarder ensemble ? essaie la maman.
- Non, j’le f’rai jamais, j’te dis ! Manger des légumes. Manger des fruits. Encore des légumes et puis encore des fruits, sans jamais manger de biscuits, non merci !
La maman de Renardeau n’insiste pas, ce n’est pas le moment. Elle se contente de ranger la brochure dans un tiroir en rentrant à la maison.
Mais à l’école , ce n’est pas facile non plus. Depuis longtemps Renardeau utilisent les « trucs » que sa maman lui a appris. Quand les autres se moquent de lui, il répond :
- Je ne suis pas gros, je suis bien enveloppé, comme un beau cadeau !
Ou bien, il réplique à celui qui insiste :
- Non, je ne suis pas gras, je suis comme un bonbon au caramel, enrobé de chocolat !
Tout cela est bien joli mais les plaisanteries continuent et, Renardeau a beau dire qu’il est bien emballé comme un colis précieux, les autres ne lui font pas de cadeau. Seul, Petit Coyote ne dit rien et c’est certainement Lionceau le plus méchant. Renardeau est effrayé quand il se moque de lui car, en plus, il le regarde bizarrement : on dirait que son regard est croisé et qu’il ne regarde pas vraiment devant lui. Mais Renardeau sait pourtant que les méchancetés et les injures lui sont destinées.
Un jour, il en a assez. Alors il décide de changer de stratégie. Au lieu de répéter les gentillesses de sa maman, il toise le moqueur d’un regard agressif, s’approche de lui et menace :
- Et alors, tu les veux mes kilos ?
Même Lionceau, son pire ennemi, ne lui fait plus peur. Un beau matin, alors qu’il l’entend derrière son dos répéter toujours les mêmes moqueries, Renardeau se retourne brutalement et dit d’une voix grave :
- Fais gaffe ! J’ai vu un reportage à la télé. Ils disaient que les kilos sont contagieux. Surtout, ne t’approche pas trop.
Pour la première fois, il voit Lionceau renoncer. Comme celui-ci n’est pas très courageux, il fait semblant de n’avoir rien entendu et s’en va dans une autre direction. A partir de ce jour, les remarques désobligeantes cessent brusquement.
Pourtant Renardeau n’est toujours pas choisi dans les équipes de foot et il se retrouve encore le dernier à la course.
Maintenant il est prêt. Mais pour ça, il a besoin d’aide. Sans hésiter, il va alors confier son secret à Petit Coyote. Celui-ci a très envie de rendre service à son ami mais il le prévient qu’en matière de régime, il n’y connaît rien.
- T’inquiète, lui dit Renardeau qui pense tout à coup à la brochure du Docteur Dujardin. Ma petite maman va nous aider, tu verras.
- Alors, tope-là, répond Petit Coyote.
Effectivement, la maman de Renardeau ressort la brochure du tiroir et ensemble, ils lisent et relisent les conseils donnés pour perdre du poids. Renardeau découvre avec plaisir qu’on peut manger de tout. Les trois complices choisissent les menus que la maman de Renardeau cuisine pendant que Petit Coyote entraîne son ami à la piscine, au tennis et sur la piste du terrain de sport.
L’équipe tourne si bien qu’au bout de trois mois, plus personne ne songe à se moquer des rondeurs de Renardeau car elles se sont envolées. Renardeau n’est plus le dernier à la course. Parfois, c’est Lionceau.
Et si c’était à cause de ses yeux ? pense Renardeau. Il n’est pas encore prêt maintenant mais peut-être qu’un jour, il sera capable de lui dire que sa maman, qui est ophtalmologiste, c’est-à-dire une spécialiste des yeux, a déjà soigné de nombreux enfants comme lui. Peut-être ?

dimanche 31 octobre 2010

Les Géants dans la ville

Tranche d'âge : à partir de 6 ans
Durée : 6 mn


- Maman, maman, viens voir, y-a une géante dans la rue !
- Ah bon ! répond la maman de Martin. Elle est aussi grande que Tante Elisabeth ?
- Mais non, maman, c’est une vraie géante ! Je vois ses genoux et elle porte une robe bleue.
La mère de Martin est intriguée, elle s’approche de la fenêtre de leur appartement et s’écrie :
- A-t-on jamais vu ça ! Une géante dans la ville !
Elle ouvre alors précipitamment la fenêtre pour mieux voir. En effet, la géante est une petite fille. Elle est très jolie avec ses longs cils qui abritent un regard doux et tranquille, ses cheveux bruns coupés courts avec juste quelques mèches qui habillent joliment le visage enfantin. Quel drôle de personnage ! On a envie de la prendre dans les bras mais c’est une géante. On a envie de lui prendre la main mais c’est elle pourrait qui pourrait attraper au moins deux adultes d’un coup. La maman de Martin n’y tenant plus et laissant son panier de linge à moitié étendu, saisit le bras de son fils et dit :
- Viens, on va aller voir ce qui se passe !
Ils ne sont pas les seuls à avoir eu cette idée. Une foule déjà se presse autour de la petite géante qui avance d’un pas assuré. Comment fait-elle ? Des hommes, aussi légers que des mouches, aussi agiles que des écureuils, manœuvrent la gigantesque marionnette. Les gens regardent son beau visage si vivant et ses lèvres qui disent des paroles qu’on n’entend pas. Que veut-elle ? Pourquoi se promène-t-elle ainsi dans la rue d’Hastings ? Où va-t-elle ? Tout le monde s’interroge et les habitants de la rue, qui d’habitude vivent côte à côte sans se parler, demandent à leur voisin :
- Avez-vous entendu quelque chose à propos de cette petite fille ?
- Non, répond l’autre. On n’a rien vu, ni dans les journaux, ni à la télé, mais je suis bien curieux de savoir où elle va !
S’interrogeant ainsi, les adultes semblent redevenus des enfants. Et malgré le ciel un peu gris de Normandie, tout le monde rit. Puis certains s’arrêtent et contemplent l’événement. Pas de musique, pas de message, juste des cœurs qui battent ensemble autour d’une petit fille qui marche.
On arrive bientôt au bout de la rue, là où se dresse l’Eglise Saint Nicolas. On dirait que c’est sa maison et qu’elle va y rentrer, tout naturellement. Mais elle continue vers la gauche, remonte légèrement la rue St Gabriel puis passe devant la caserne des pompiers avant de rejoindre l’Avenue du Canada.
Tout à coup, on entend une rumeur :
- Rue de Lebisey ! Rue de Lebisey ! Un autre géant !
- Un autre géant dans la ville ! s’étonne la maman de Martin. Mais comment est-il ? Est-il aussi grand que notre petite géante ? demande-t-elle à ceux qui semblent savoir quelque chose.
- C’est un ami qui m’a appelé, répond quelqu’un. Le géant est habillé en marin, il porte un ciré jaune. C’est tout ce que je sais. Ah oui, j’oubliais, mon ami m’a dit qu’il était aussi haut que son immeuble de trois étages.
La curiosité atteint son comble. On n’entend plus qu’un grand silence, chacun se concentrant sur ses propres interrogations.
Maintenant, on a l’impression de marcher vers quelque chose. Ces deux-là vont-ils se rencontrer ? Où ? Que va-t-il se passer ? On ne sait pas qui, de Martin ou de sa mère, entraîne l’autre, mais les deux marchent ensemble d’un pas sûr et tranquille.
L’homme qui a renseigné la mère du garçon tout à l’heure la rejoint discrètement et lui glisse à l’oreille avec un sentiment de complicité :
- Il est maintenant en haut de la rue du Vaugueux.
Elle sourit pour remercier et serre un peu plus fort la main de son enfant. Etant donné que la petite géante prend les Fossés St Julien, il se pourrait qu’ils aillent dans la même direction, pense-t-elle, et elle frémit à l’idée d’une probable rencontre. Ses jambes avancent toutes seules et sa tête est légère. Rien ne peut l’arrêter, ni elle, ni les autres. Ils sont fiers et heureux d’accompagner la petite géante qui va quelque part.
Arrivé au bout des Fossés St Julien, le cortège contourne l’ancienne Ecole des Beaux-Arts et longe les remparts du château. Tout le monde pense qu’elle va s’arrêter là, au pied du château qui représente les fondations de la ville. Mais elle passe, toujours aussi sûre d’elle, devant l’Eglise St Pierre et s’engage dans le Boulevard des Alliés.
A ce moment là, on entend une sonnerie de téléphone portable et quelqu’un qui répond :
- Ah bon ! Où est-ce qu’il est coincé ? … Dans le Vaugueux ?… Mais où exactement ?… Dans la petite rue Graindorge ? Oui, oui, je sais où c’est. Effectivement, il ne pourra pas en sortir, il doit vite retrouver l’Avenue de la Libération, parce que nous, on arrive !
La crainte est maintenant palpable dans la foule. Et si leur rencontre était ratée ? Pourvu que ça n’arrive pas.
Rassurez-vous, cela n’arrivera pas. Le destin de ces deux-là est scellé. Ils doivent se rencontrer. Pourtant, on ne sait toujours pas qui ils sont.
Enfin, c’est la délivrance. On aperçoit un immense géant, bien plus grand que la petite fille. Il est aussi suivi par une foule concentrée mais qui ne peut se retenir en voyant la petite géante dans sa robe bleue. Ce sont alors des « Oh ! » d’étonnement suivis de « Ah ! » d’admiration de part et d’autre.
Doucement maintenant, les deux géants s’approchent l’un de l’autre. Dès qu’ils ont pu s’apercevoir, leurs regards se sont rencontrés et ne se quittent plus. Puis ils s’arrêtent au même moment au pied de la Tour Leroy, se tenant toujours par le regard. Cette tour, appelée aussi Tour Guillaume-le-Roy, est un point d’ancrage dans la ville. C’est un vestige des fortifications de la ville médiévale indispensable alors pour relier ses deux rives. Aujourd’hui, elle accueille les visiteurs qui rentrent au cœur de la ville et souhaite Bon voyage à ceux qui prennent le large par le Bassin St-Pierre. Depuis qu’elle a été restaurée, la tour est vraiment magnifique dans sa belle robe blanche de Pierre de Caen.
Mais revenons vers nos deux géants. Tout le monde attend. Le silence est intense. Personne n’aurait l’idée de le troubler. Claquements soudains de rouages et la petite fille doucement se dirige vers les bras ouverts du géant au ciré jaune. Qui est donc cet homme dont les cheveux grisonnants atteignent les épaules et dont le sourire est si tendre ? Bientôt la petite géante se loge parfaitement dans ses bras, exactement comme le ferait la dernière pièce d’un grand puzzle.
Le silence dure encore longtemps avant les applaudissements nourris.
Martin n’est pas prêt d’oublier ce jour-là. Mais comment pourra-t-il raconter cette histoire à ses copains qui sont en vacances et qui n’ont rien vu ? Ils le prendront certainement pour un fou. Tant pis, il leur dira tout !


Merci à la Compagnie Royal de Luxe pour ses idées folles et son génie.

dimanche 24 octobre 2010

Une Nouvelle aventure de Marcellin

Tranche d’âge : 4 – 6 ans
Durée : 5 mn

Dring… Dring…Dring… Marcellin répond au téléphone qui sonne et reconnaît la voix de Gramounette, sa grand-mère qu’il aime tant. Elle lui dit :
- Veux-tu que je t’emmène aux châtaignes demain matin ?
Marcellin est très content, il est toujours prêt à suivre sa grand-mère. Il lui envoie un gros bisou et raccroche le téléphone.
Le soir, avant de se coucher, il demande à Maman Lapin :
- C’est loin, Châtaigne ?
La maman ne comprend pas la question de son petit lapin et lui demande des explications. Quand enfin, elle comprend ce qu’il a voulu dire, elle rit de l’innocence de son enfant et lui dit :
- Mais voyons, Marcellin, « châtaigne » n’est pas un lieu. On dit « aller aux châtaignes » comme on dit « aller aux champignons », ça veut dire qu’on va ramasser des châtaignes ou des champignons.
- Ouais ! s’écrie le petit lapin. Et on peut les manger ?
- A condition de les faire cuire. Tu verras ça avec ta grand-mère, elle a sa technique !

La lendemain matin, Marcellin est fin prêt quand arrive Gramounette.
- Regarde, lui dit-il, j’ai mis trois paires de gants pour ne pas me piquer.
- En effet, tu as des mains de géants !
Sans tarder, ils se retrouvent tous les deux dans la petite auto de Gramounette qui les emmène au parc. Un regard émerveillé sur les couleurs flamboyantes de l’automne et les voilà installés sous un châtaigner gigantesque.
- Le problème, vois-tu mon petit Marcellin, avertit Gramounette, c’est que nous ne sommes pas les premiers et qu’il faudra aller chercher les plus grosses châtaignes directement dans les bogues. Ce sont ces boules piquantes qui ressemblent à des bébés hérissons.
- Je n’ai pas peur, répond Marcellin, j’ai mes gants !
- Alors allons-y, petit lapin !
Marcellin fait comme sa grand-mère, il ouvre la bogue avec le bout de ses bottes pour faire sortir les fruits. Il y en a deux ou trois, plus ou moins grands. C’est drôle, ils sont cloisonnés comme des frères jumeaux et ils ont sur la tête une jolie petit houppette. Mais impossible de les prendre avec les gants qui se retrouvent vite dans les poches. Marcellin fait alors bien attention, il prend même un petit bâton pour éloigner les châtaignes des bogues. Tout va bien, il est très content. Bientôt on ne voit plus le fond de son panier. Mais il voudrait aller plus vite, alors il oublie toutes les précautions et ouille ! ouille ! ouille ! ça pique ! Quand il voit qu’un piquant est resté dans sa peau, il se met à trépigner et il crie :
- J’ veux plus ramasser les châtaignes, j’ veux rentrer. J’veux rentrer à la maison.
Et lorsque sa grand-mère arrive pour le consoler, une grosse larme coule sur sa joue.
- Ne t’inquiète pas Marcellin, je vais d’abord enlever ce méchant piquant. Hop, ça y est !
Puis Gramounette souffle sur le minuscule point rouge laissé sur la peau et masse doucement le doigt de Marcellin. Voilà, il n’y a plus rien et le petit lapin demande :
- Je peux aller aux jeux ?
- Bien sûr, Petit Lapin, amuse-toi bien !
Gramounette continue à remplir son panier tout en surveillant de loin son petit Marcellin. Elle distingue une autre silhouette qui joue avec lui. Elle porte une robe rouge et une belle chevelure brune. Serait-ce Elvire, la petite fille de son amie Clémentine ?
Bientôt les deux enfants arrivent en courant et Marcellin s’écrie :
- On a trouvé un meilleur coin ! Regarde, les châtaignes sont plus grosses et les bogues sont moins piquantes !
- C’est parce que ce ne sont pas des châtaignes, prévient Gramounette, ce sont des marrons. Et il faut faire bien attention car ils sont toxiques. Regardez, précise-t-elle, ils sont tout ronds et n’ont pas la petite houppette des châtaignes. Dommage, nous aurions pu remplir nos paniers beaucoup plus vite.
- T’inquiète pas, on va t’aider tous les deux maintenant. T’es d’accord, Elvire ?
Marcellin est très fier de montrer la technique des bottes et du bâton mais la petite fille se laisse prendre exactement comme lui et se met à pleurer en découvrant le piquant planté dans son index.
- Ne t’inquiète pas, Elvire, dit-il à son amie, je vais d’abord enlever ce méchant piquant. Hop, ça y est !
Puis il souffle sur le minuscule point rouge laissé sur la peau et masse doucement le doigt de la petite fille. Voilà, il n’y a plus rien, Elvire sèche ses larmes et Marcellin lui sourit tendrement.
C’est à ce moment là que Gramounette déclare :
- J’ai fini ! Grâce à vous deux, j’ai assez de châtaignes pour tout l’hiver. Un peu trop d’ailleurs pour moi toute seule !
Puis elle fait semblant de réfléchir et dit à Elvire :
- Voudrais-tu venir manger les châtaignes grillées avec Marcellin ? On fera un grand feu dans la cheminée et je vous montrerai ma super technique pour obtenir les meilleures châtaignes grillées du monde ! Bien craquantes, bien croquantes et vraiment délicieuses !
Elvire semble bien intéressée puis elle court rejoindre ses parents.
Quand Gramounette et Marcellin quittent le parc, le petit lapin demande à sa grand-mère :
- Tu crois qu’elle viendra ?
- J’en suis sûre, répond Gramounette.
Marcellin lève alors les deux bras au ciel puis s’écrie :
- J’adore les vacances !

dimanche 17 octobre 2010

Souriceau et les animaux de la savane

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 5 mn

C’est la panique aujourd’hui dans la savane. Tous les animaux se précipitent dans la même direction. Ils courent, ils courent à toute vitesse. Mais où vont-ils donc ?
Souriceau voit d’abord passer le front terrible du gnou et il lui demande :
- Mais où cours-tu comme ça, oh ! buffle royal ?
- Je ne suis pas un buffle, je suis un gnou !
- D’accord, d’accord mais tu devrais m’emmener, on a toujours besoin…
Mais la voix de Souriceau se perd dans la savane. Bientôt, il sent le sol vibrer sous ses petites griffes et il aperçoit tout un troupeau de zèbres galopant à bride abattue et criant :
- Sauve qui peut ! Sauve qui peut !
Inutile de leur demander quoi que ce soit, pense Souriceau, je dois plutôt m’écarter pour éviter de me faire écraser.
Puis c’est au tour de l’autruche qui passe à vive allure grâce à ses enjambées de géante.
- Qu’est-ce qui se passe pour qu’elle ait laissé ses œufs ? murmure Souriceau.
Mais pour rien au monde , il n’oserait le lui demander : il a trop peur de son bec vorace. C’est dommage pour elle, car on a toujours besoin… Souriceau est alors interrompu dans sa réflexion par ses amis les fauves qui courent comme des fous.
- Où… où…où a.. a…llez-vous ? crie t-il de toutes ses forces en direction du guépard et du lion.
C’est parce qu’il est très impressionné par l’allure toujours aussi majestueuse des grands félins, qu’il se met à bégayer. Il n’a pas vraiment peur d’eux : jamais il ne leur viendrait à l’idée de courir après une si petite proie. Alors il s’enhardit et poursuit :
- Oh ! Oh ! les amis ! Emmenez-moi avec vous, on a toujours besoin…
Mais tout à coup, il se sent bien ridicule. Personne ne l’écoute. Personne ne daigne même le regarder. Et il ne sait toujours pas pourquoi tous les animaux de la savane se sauvent ainsi. Le passage de l’antilope, vive comme l’éclair, lui redonne un peu le sourire :
- Pour une fois que c’est elle qui court après le lion !
- Viens vite petite souris, monte sur mon dos et agrippe-toi bien. Mon dieu, j’ai bien failli t’écraser.
C’est la girafe qui a parlé. C’est un miracle ! Enfin quelqu’un s’intéresse à Souriceau ! Second miracle, elle lui raconte, sans qu’il lui demande quoi que ce soit, que le feu se propage et qu’on entend des coups de fusil. Elle est la dernière à déguerpir parce qu’elle a vérifié que tous les animaux étaient bien partis.
- Je vois tout ce qui se passe de là-haut, précise-telle. On a toujours besoin d’un long cou dans la savane, c’est souvent lui qui prévient le danger.
Souriceau en profite pour donner sa version :
- Oui, mais on a toujours besoin aussi…
A nouveau, il est interrompu par le cri de la girafe :
- Le piège, c’était un piège ! Regarde tous nos amis qui sont piégés dans ce filet !
C’est en effet un piètre spectacle que de voir les plus beaux spécimens de la savane attrapés comme des mouches dans un gigantesque panier. La force et le courage ne leur servent plus à rien. Au contraire, les mailles du filet se prennent dans les cornes, dans les crocs des gueules rugissantes, étranglent le long cou de l’autruche et s’emmêlent dans les multiples pattes qui se rebellent.
Mais Souriceau ne perd pas de temps. Très vite il a sauté du dos de son amie et a commencé à grignoter les fils de la prison des animaux. Pour l’encourager, la girafe lui raconte la terrible histoire des braconniers qui les pourchassent sans arrêt.
- Ils veulent les cornes du gnou et de l’antilope. Ils les revendent très cher à d’autres trafiquants qui en feront des médicaments pour des gens bien portants dans des pays lointains. Ils veulent les plumes de l’autruche, si noires et si soyeuses pour en faire des déguisements. Ils veulent la peau du zèbre pour en faire des pantalons rayés, ils veulent la mienne aussi et celle du guépard pour faire des sacs à main que les belles dames promèneront sur les trottoirs des grandes villes.
Pendant que la girafe raconte cette bien triste histoire, Souriceau grignote, grignote les mailles du filet.
- Et le lion, pourquoi veulent-ils le capturer ? se demande –t-il.
La girafe comprend la question par télépathie et elle ajoute :
- Et ils veulent le lion, parce que c’est le roi de la savane, tout simplement.
- Mais ils ne l’auront pas, dit une belle voix fière et libre.
C’est le lion en personne qui a été libéré le premier. Aidé par la girafe, il tire sur les mailles abîmées et soudain, le filet cède enfin. Tous les animaux crient :
- Merci petite souris !
C’est ça que je voulais vous dire tout à l’heure, répond Souriceau :
- On a toujours besoin d’un plus petit que soi.
- Tu as sacrément raison, dit le lion. Grimpe dans ma crinière, tu y resteras le temps qu’il te plaira. Allez mes amis, ajoute-t-il, partons vite, ils ne doivent plus être loin à présent !

dimanche 10 octobre 2010

Les Jolis mots de Tutti ( 3 )

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée :
5 mn

Une fois encore, Tutti la souris, part à l’aventure pour dénicher un nouveau mot pour sa collection.
Souvenez-vous, la première fois, elle avait trouvé un mot anglais : Butterfly.
- Magique, bizarre, extraordinaire et si léger ! avait-elle dit.
- Forcément, cela veut dire « Papillon », petite souris !
La deuxième fois, elle voulait un mot voyageur. Un mot qui était né ailleurs et, si possible, avait voyagé dans un autre pays. Et c’est ainsi qu’elle avait choisi le mot Hasard. Excellent choix, n’est-ce pas ? Il y a tellement de choses qui arrivent par hasard !
Mais aujourd’hui, ce sera très compliqué : la souris Tutti est à la recherche d’un mot disparu. Oui, vous avez bien entendu : un mot disparu. C’est comme ça, les mots apparaissent ; on les utilise pendant des années, des siècles, puis quand on n’en a plus besoin, on les laisse dans un coin, et un jour, ils disparaissent.
Mais, rassurez-vous, ils restent tout de même quelque part. Entassés dans des tiroirs, bien rangés dans des dictionnaires ou éparpillés dans toutes sortes d’ histoires. Tutti a décidé d’en sauver un, de le sortir de sa prison et de lui redonner vie.

Alors, elle enfile ses bottes, se pare de toutes ses breloques, et hop, elle part !
Elle arrive devant un bâtiment tout blanc et tout carré. Elle se demande bien par où entrer quand elle aperçoit, derrière un bureau tout gris, un petit monsieur à l’air triste. Il porte des lunettes, une jolie barbichette et son crâne est luisant comme le derrière du ver de terre.
Sans tarder, Tutti s’adresse à lui et, lorsqu’il comprend ce que recherche la petite souris, son visage s’anime tout à coup. Le voilà parti dans une grande explication sur les mots disparus pour lesquels il entretient une véritable passion. Il ne parle pas de mots disparus, perdus, il emploie des mots savants comme « obsolètes, désuets, surannés ». Tutti se sent déjà dépaysée et elle a hâte de les rencontrer, ces drôles de mots.
- C’est par là ! lui indique le petit monsieur.

Tutti tombe d’abord sur un mot qui commence par un A : Alouvi. Elle regarde ce qu’il signifie : « qui a une faim de loup. »
- C’est exactement comme moi, se dit-elle. Je suis alouvie de mots. Ce mot va me porter chance. Allons voir un peu plus loin !
Elle tombe alors sur Parlerie.
- Oui, c’est joli, dit-elle, mais ce n’est pas assez mystérieux, on comprend à peu près de quoi il s’agit. Je veux un mot plus mystérieux !
Il y a bien Zélote, Zinzolin et Brindezingue mais Tutti craint qu’ils ne s’entendent pas avec les deux premiers mots de sa collection.
- Oh la la, s’exclame-t-elle tout à coup. Quelle drôle d’allure il a celui-là : Salmigondis. Dans le genre qui n’en finit pas, il y a aussi Véhémentement et Courtisanesquement. Non, vraiment, ceux-là sont trop longs, confirme la petite souris. Et cet autre là : Conglutineux. Il a sans doute disparu parce qu’il n’était pas joli. Tant pis pour lui !
Et lorsque Tutti passe devant le mot Paltoquet, elle le laisse de côté parce que, dans son oreille, il sonne comme une insulte. Elle n’aimerait pas du tout qu’on lui dise :
- Espèce de paltoquet !
Elle répondrai sûrement :
- Paltoquet toi-même !
Elle arrive ensuite devant un mot beaucoup plus rigolo mais qui ne doit pas être toujours facile à dire : Chape-chute. Imaginez quelqu’un qui a un cheveu sur la langue et qui doit dire :
- Zut, je cherche ma chape-chute.
Essayez un peu de répéter cette phrase là ! Non, ce n’est pas sérieux.

- Oh, un autre mot composé, s’exclame Tutti : Cache-sottise. Il a l’air coquin, celui-là. C’est plutôt sympathique.
Le mot qu’elle croise ensuite la faire sourire aussi. C’est le mot Tortillage. Elle s’imagine en train de dire au petit monsieur de l’entrée : « Monsieur, le tortillage de votre verbiage va très bien avec votre visage. » Et Tutti s’amuse à répéter cette phrase sur tous les tons.
Les mots qu’elle trouve après ne sont pas spécialement drôles mais ils ont d’autres qualités.
C’est d’abord Romancine qui est si mignon qu’on dirait un prénom. C’est ensuite Lendore qui est une véritable création poétique. Et puis il y a Icastique. C’est bizarre, on a l’impression qu’il pique.
- J’adore prononcer celui-là : Pararafe. Essayez avec moi, dit-elle à tous les insectes en tout genre et petites bêtes microscopiques qui l’accompagnent. Allez, on y va à trois. Un, deux, trois : patarafe, patarafe, patarafe… Oui, c’est rigolo, mais cela ne me donne pas mon mot.
La petite souris est pensive maintenant. Elle se dit que le mot qu’elle choisira aura toutes les qualités de ceux qu’elle vient de rencontrer. Il devra être bizarre, surprenant, poétique, mignon, rigolo et avoir … Mais elle ne termine pas sa réflexion parce qu’elle vient d’apercevoir un mot qui lui plaît beaucoup. Il n’a pas forcément toutes les qualités, pourtant elle l’aime déjà. C’est comme ça, même si elle ne sait pas pourquoi, elle sait que c’est exactement le mot qu’il lui faut.

Rentrant à la maison avec son nouveau mot, elle imagine déjà l’histoire qu’inventeront peut-être ses jolis mots :
« Un jour, Butterfly voletait de ci, de là , quand par Hasard, il rencontra Cascadelle. »

A vous maintenant, mes amis, d’inventer la suite !


Quelques définitions pour les curieux :
- Salmigondis : Ragoût de plusieurs viandes réchauffées. Se dit des choses qui n’ont ni liaison ni suite ou de personnes réunies au hasard.
- Chape-chute : Bonne aubaine due à la négligence ou au malheur d’autrui.
- Romancine : Plainte, réprimande ( pris dans un sens détourné de Romance ).
- Icastique : Naturel, sans déguisement, sans embellissement.
- Patarafe : Assemblage de traits informes, de lettres confuses et mal formées.
- Cascadelle : Petite cascade. Nombreuses attaques de paroles.

dimanche 3 octobre 2010

Marcellin à l'école

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 3mn 30

Déjà un mois de passé depuis la rentrée.
Marcellin a une bonne nouvelle à apprendre à sa maman :
- Maman, maman, j’ai fini mes études !
- Mais, comment ça, Petit Lapin ?
- Ce matin, j’ai écrit Papa Lapin et Maman Lapin, alors je n’ai plus besoin d’aller à l’école !
Maman Lapin essaie de raisonner Marcellin, mais rien n’y fait.
Le petit Lapin lui explique qu’il en a assez de la routine,
que ses amis ne sont pas marrants,
et qu’il en sait plus que la maîtresse sur le foot.

Maman lapin est bien embarrassée, elle espère
que Marcellin aura changé d’avis demain matin.
Mais le lendemain, elle comprend vite
qu’il n’en est rien.
Elle le retrouve pelotonné au fond de son lit,
alors qu’à la même heure d’habitude,
il s’affaire autour de ses jouets et de ses cahiers.

Elle lui prend la main et dit :
- Viens, Petit lapin, je vais te préparer le meilleur petit déjeuner du monde.
- Oh, ne t’embête pas, Maman, tu sais bien que je ne vais pas à l’école ce matin !
Maman Lapin prend tout à coup un air plus ferme et ajoute :
- Ne fais plus le malin, Marcellin, tu dois y aller. Maintenant, lève-toi sans traîner !

Et c’est exactement ce que fait Marcellin.
Mais dès qu’il se retrouve sur ses pattes,
Ses oreilles se redressent, ses poils se hérissent,
ses pattes de devant menacent sauvagement Maman Lapin, et paf !
Il tombe, raide comme un morceau de bois,
Sur le parquet de la chambre.

Maman Lapin est affolée.
Vite, vite, les pompiers !
Le temps d’aller chercher le téléphone et de faire le numéro,
Marcellin bouge une patte, puis l’autre.
Maman Lapin a eu si peur,
que sur sa belle fourrure
dégoulinent de grosses gouttes de sueur.
Maintenant, elle ne sait plus quoi faire,
mais elle n’ose plus parler d’école à son Petit lapin.

Elle téléphone à son travail, dit que son Petit Lapin est malade
et qu’elle doit rester à la maison pour s’en occuper.

Pendant la matinée, tout va bien.
Mais l’après-midi, le Petit Lapin s’ennuie.
Ils réclame Fulbert et Victorien, ses copains.
Mais Maman Lapin lui dit :
- Ils sont tous à l’école, voyons Petit Lapin. Peut-être
devrais-tu y aller aussi demain ?
- Non, non, je n’irai pas à l’école.
Et il se remet à trembler de tous ses membres.
Maman Lapin comprend alors que ce n’est pas encore le moment.

Mais elle doit retourner au travail.
C’est Gramounette, qui prend le relais pour garder Marcellin.
Elle lui propose de cueillir des fleurs pour sa maîtresse.
Il choisit alors les roses les plus belles du jardin :
une rose bien rouge et qui sent bon,
une autre d’un rose très tendre et une autre toute blanche.

Le lendemain, ils vont ensemble offrir ces roses à la maîtresse.
- Oh, dit-elle, comme c’est gentil de m’apporter les fleurs que je préfère.
Sais-tu comment s’appellent ces belles roses, Marcellin ?
Voyant l’air interrogateur du Petit lapin, elle explique :
Voici la Fée des Neiges, si blanche, si fraîche.
Celle-ci, qui nous offre ses pétales rosés, c’est la New Dawn,
Cela veut dire « l’aube nouvelle », comme c’est joli, n’est-ce pas ?
Et celle qui embaume ton joli bouquet,
C’est la rose Victor Hugo, notre grand poète.
Elle est comme lui, fougueuse et passionnée.

Marcellin est très impressionné,
Il ne savait pas que sa maîtresse connaissait aussi bien les roses
et les poètes.
Sur le chemin du retour, il annonce à Gramounette :
- Demain, j’irai à l’école. Crois-tu qu’ils seront là mes copains et
que la maîtresse voudra bien ?
- Je crois que tout le monde sera bien content, répond la grand-mère du Petit Lapin.

dimanche 26 septembre 2010

Un Livre de princesse

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 6 mn

C’est le grand déménagement à la bibliothèque de mon quartier. Elle va s’installer juste en face, mais dans un local plus grand et plus facile d’accès. Il est vrai qu’il fallait grimper plusieurs marches pour y accéder, et ce n’était pas commode pour tout le monde. Mais je l’aimais bien, tout de même, ma bibliothèque. J’aimais me mettre dans un petit coin et feuilleter les revues, les romans et surtout les albums colorés pleins d’ histoires extraordinaires.
Et tout cela pendant que Christine nous passait de la musique douce et originale qu’elle avait soigneusement concoctée pour nous. Et pendant que l’autre Christine cherchait dans les rayons bien rangés, l’histoire qui pourrait me transporter loin de mes petits soucis quotidiens. Quant à Anne, aux commandes devant l’ordinateur, elle s’empressait de chercher dans tous les fichiers.
Je suis impatiente de les revoir dans leur nouveau paradis de livres. C’est à elles, mes trois bibliothécaires fidèles et accueillantes, que je dédie cette histoire.

Un jour à la bibliothèque, je vois jaillir du grand escalier, une petite fille à l’air bien décidé, suivie d’une grand-mère tout essoufflée. La petite fille s’installe aussitôt devant la banque de prêt, lève la tête vers David, un jeune stagiaire de la bibliothèque, et elle dit :
- Bonjour Monsieur, j’voudrais un livre de princesse, s’il te plaît !
Le jeune homme est un peu désemparé. Il vient d’arriver à la bibliothèque, il ne connaît pas de livre de princesse. Alors, il se réfugie derrière la pile de livres qu’il doit ranger et répond :
- Oui, j’arrive dans quelques instants.
Mais la demoiselle est pressée, alors elle invite sa grand-mère à venir fouiller avec elle dans les bacs des albums posés au sol. La grand-mère accepte cette mission avec sérieux mais ce n’est pas facile de crapahuter sur les tapis, entre les bacs, quand on est grand. C’est encore plus difficile quand on a des petites lunettes en équilibre sur le nez, des rondeurs et des rhumatismes un peu partout et surtout quand on a … un gros derrière. Attention, il ne faut pas écraser les petits enfants allongés devant les BD. La grand-mère doit se plier dans tous les sens et le tableau est plutôt rigolo. Il intrigue une autre grand-mère qui vient au secours de la première.
Ensemble, elles fouinent dans les bacs d’albums qui commencent par un A, un B ou un C. Elles furètent dans ceux qui commencent par un P, un Q ou un R mais rien n’y fait : pas de livre de princesse. Attirée par le manège, un troisième grand-mère vient les aider et , rapidement, elles sont rejointes par le bibliothécaire qui a fini de ranger sa pile de livres. Tout-à-coup, la grand-mère de la petite fille s’écrie :
- Oh ! En voilà un !
Mais elle parcourt les premières pages, fait la grimace et dit :
- Non mais, quelle capricieuse cette Princesse !
Les autres comprennent qu’il faut poursuivre les recherches. Finalement tous les lecteurs présents s’y mettent aussi. Deux papas se retrouvent par surprise au-travers d’un rayon de livres et l’un d’eux s’écrie :
- Mais on se connaît ! Vous habitez le quartier depuis longtemps ?
Ils se mettent alors à discuter avec entrain. Les retrouvailles semblent plutôt agréables. Par hasard, un jeune homme et une jeune fille portent ensemble leur regard sur une page d’album qui représente un beau bébé. Rire gêné puis sourire attendri.
- Je l’ai trouvé ! Je l’ai trouvé ! s’exclame une grand-mère très contente du butin qu’elle tient dans la main.
- Ecoutez, ça s’appelle : « La Princesse du donjon »
La grand-mère s’assied à côté de la petite fille et commence à lire l’histoire :
« La Princesse Sérénade était enfermée dans la plus haute tour du donjon depuis si longtemps qu’elle ne savait plus à quoi ressemblait le ciel, les arbres et le visage de ceux qu’elle aimait. Seul Gaspard, le petit serviteur du château, lui rendait visite pour lui apporter ses repas. Mais il avait ordre de ne pas lui adresser la parole. Elle ignorait donc ce qu’étaient devenus ses parents. Avaient-ils été obligés de quitter les lieux ou bien l’avaient-ils abandonnée ?
- Oh la la ! C’est triste, gémit la petite fille, qui n’a jamais pensé que les princesses pouvaient être aussi malheureuses.
Visiblement, ce n’est pas ce qu’elle recherche. Tout le monde est soulagé, l’histoire était vraiment trop triste. Et on se remet à chercher de plus belle.
Tout à coup, David brandit un album un peu usagé :
- Tiens, regarde celui-là. Il a beaucoup de succès.
La petite fille découvre, en ouvrant l’album, une princesse autoritaire qui crie après tout le monde. Elle lit :
- « Toi, va me préparer mon costume pour ce soir et dépêche-toi ! Et toi, viens ici. Pose le vase à cet endroit. Non, là ! Et va dire à cet abruti d’écuyer que je lui ordonne de venir immédiatement. »
Une grand-mère proteste :
- Mais ce n’est pas un livre de princesse. C’est un livre de sorcière !
La petite fille est d’accord et les recherches continuent. Soudain une des grands-mères se met à fredonner :
- « Ce soir, je serai la plus belle pour aller danser-é-é-é, danser. »
Une seconde enchaîne :
- « Ce soir, tu seras la plus belle pour aller danser-é-é-é, danser »
Et en chantant, elle regarde la petite fille. A ce moment là, ce sont toutes les grands-mères qui se tournent vers l’enfant et qui s’écrient en la désignant :
- Mais la voilà notre Princesse !
La petite fille est ravie, elle fait un magnifique salut et tout le monde applaudit. Puis on danse, on chante.
Anne et les deux Christine participent volontiers à ce joyeux désordre. Ensuite, chacun repart dans son coin et la bibliothèque retrouve son calme.
Un quart d’heure plus tard, je vois la petite fille se diriger vers l’escalier. Elle porte sous son bras un album, un seul. Je ne vois pas le titre alors je me contorsionne pour l’apercevoir ; ça y est, je le distingue enfin. L’album est intitulé :
Beau et Gentil Prince cherche désespérément Belle Princesse

dimanche 19 septembre 2010

Un Homme rustre

Tranche d'âge : à partir de 5 ans
Durée : 5 mn

Il était une fois un homme si rustre que personne ne voulait plus l’approcher. Si les gens lui disaient bonjour, il ne répondait pas, il émettait seulement un grognement. S’ils se contentaient de le regarder, il leur tournait le dos et dès qu’ils passaient devant sa maison, il claquait la porte bruyamment.
Ses voisins le trouvaient désobligeant. Jamais il ne les avait aidés en quoi que ce soit. Sa famille le trouvait incorrect. Jamais il ne demandait des nouvelles, pas même des proches qui étaient malades. Les commerçants lui trouvaient un air malhonnête. En général, tout le monde le trouvait hargneux, déplaisant, impoli. Il n’avait pas beaucoup d’amis. En vérité, il n’en avait aucun, ce qui est bien triste.
Un jour, alors qu’il revenait de son champ, la fourche sur le dos, il entendit des pleurs derrière une haie. C’étaient sans doute ceux d’un enfant. Il n’allait certainement pas se laisser attendrir par un gosse qui avait dû faire des bêtises. Le lendemain soir, exactement à la même heure, la même scène se reproduisit.
- Hé ! Tu ne pourrais pas aller chialer plus loin, dit-il suffisamment fort pour que l’enfant l’entende. Tu me gâches la balade !
Mais voilà que le soir, en se mettant au lit, il se demanda s’il n’avait pas été trop méchant et se surprit à espérer que l’enfant ne l’avait pas entendu.
Deux soirs plus tard, il entendit à nouveau l’enfant pleurer, toujours au même endroit. Cette fois-ci, il ne put résister et alla voir ce qui se passait.
Quand l’enfant le vit, il se mit à hurler et cacha son visage dans ses bras.
- Ne crains rien, je ne vais pas te faire du mal, dit l’homme.
Mais il comprit, en suivant le regard de l’enfant qui avait levé la tête et qui regardait en direction de la fourche sur ses épaules, que le garçon avait peur des coups. Aussi, il planta l’outil dans le sol pour bien montrer qu’il n’avait pas l’intention de le frapper et il s’assit à côté de l’enfant. Il resta là longtemps, sans rien dire, jusqu’à ce que l’enfant ait séché ses larmes.
- Comment tu t’appelles ? demanda notre homme.
- Léon, répondit le garçon.
- Eh bien, moi, c’est Etienne. Je sais, personne ne connaît mon nom dans le village. Je sais bien comment on m’appelle ! Le rustre ! C’est bien ça ? poursuivit-il.
L’enfant ne put s’empêcher de sourire, à l’évocation du surnom qu’il connaissait bien.
Mais il perdit son sourire quand Etienne lui demanda :
- Alors, qu’est-ce qui se passe, c’est ton père qui te donne des coups ?
Léon acquiesça en baissant la tête à nouveau vers ses genoux maigres et égratignés. Le geste brusque découvrit le cou et l’épaule gauche tout écorchée de l’enfant. Les coups avaient aussi laissé des traces bleuâtres et cette violence contrastait fortement avec ses traits délicats. Etienne posa une main sur la tête du garçon pour l’encourager à raconter sa malheureuse histoire.
- C’est parce qu’il n’est jamais content de mon travail, finit par dire le garçon. Il m’envoie au champ, avec un quignon de pain, tous les matins. Je travaille toute la journée mais il dit toujours que je n’en fais pas assez et, s’il est de mauvaise humeur quand je rentre, il me tape.
Comme Etienne écoutait avec attention, l’enfant continua à expliquer :
- Et puis il m’accuse de tout. C’est à cause de moi qu’on est pauvre, qu’on ne peut pas déménager et qu’il ne peut pas changer de métier. Il dit même plein de choses que je comprends pas. Pourquoi il est comme ça ?
- J’en sais rien, mon grand, répondit Etienne. Mais ce que je sais, c’est qu’on va trouver une solution pour que ça change. Allez, courage ! dit-il en reprenant sa fourche. On se revoit demain, à la même heure et je te dirai ce qu’on fera.
Mais l’idée avait germé dans la tête de l’homme plus vite que prévu. C’est en rentrant chez lui qu’il avait trouvé la solution. Dès le lendemain matin, il retrouva Léon dans son champ. Il savait où il était, tout le monde savait à qui appartenait les champs de la commune.
- Voilà ce qu’on va faire, annonça-t-il au garçon. Tous les jours, je me lèverai un peu plus tôt, comme ça, je t’aiderai dans ton travail et ton père ne pourra rien trouver à redire. Et puis, je t’apprendrai des astuces pour travailler plus vite sans trop te fatiguer, ça te va ?
Léon ne trouva pas de mots mais son large sourire parlait pour lui et l’homme fut tout de suite récompensé de sa bonne action.
Tout se déroula comme il avait dit et il lui sembla qu’au bout de quelques semaines, l’enfant avait déjà grandi et pris des forces. Mais celui qui avait beaucoup changé, c’était surtout Etienne. Plus les jours passaient, plus il se sentait d’humeur aimable. Il ne regrettait pas son engagement face à l’enfant, bien au contraire. C’était toujours un plaisir de le retrouver chaque matin, ils s’étaient apprivoisés l’un l’autre et on peut dire qu’ils étaient devenus les meilleurs amis du monde.
Malheureusement, cela n’avait pas été aussi facile avec les gens du village qui, malgré le changement radical qu’ils avaient observé chez « l’homme rustre », ne lui avaient pas accordé tout de suite leur confiance.
Il fallut du temps mais un jour, ses voisins admirent qu’ils le trouvaient obligeant. Sa famille , avec laquelle il avait repris contact, le trouvait attentionné. Les commerçants l’accueillaient avec le sourire maintenant car ils s’étaient aperçus qu’il était honnête. Tout le monde le trouvait agréable, bienveillant et poli et il se fit de nombreux amis.
Un soir, en rentrant de son champ, il s’assit exactement à l’endroit où il avait trouvé l’enfant qui pleurait et c’est lui qui se mit à pleurer cette fois-ci. Il pleurait amèrement sur son enfance gâchée par la violence d’un beau-père jaloux et il comprit pourquoi il avait été longtemps un homme rustre ; il avait construit tout autour de lui une sorte de carapace pour éviter de prendre des coups :
- Quel dommage, je n’ai pas eu la chance de rencontrer quelqu’un pour m’aider, dit-il à voix haute, comme si une autre personne s’adressait à lui.
Puis il ajouta dans un sourire :
- Mais je suis bien content d’avoir été l’ange gardien de ce petit. Il ira loin, c’est sûr !

dimanche 12 septembre 2010

Les Jolis mots de Tutti ( 2 )

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 5mn 30

Vous souvenez-vous, mes amis, de la souris Tutti ?
Vous savez, cette souris sympathique et rigolote et parfois même assez loufoque ?
Je vous l’ai présentée cet été.
Elle porte toujours des grandes bottes et des tas de breloques.
Quand vous l’avez rencontrée, elle venait de découvrir un mot ex-tra-or-di-naire : c’était le mot « Butterfly », un mot anglais.
Oh ! Excusez-moi, j’ai oublié de vous dire l’essentiel.
Comme d’autres aiment le vélo, les tableaux ou les chevaux,
Sa passion à elle, ce sont les mots,
Les petits, les grands, les moches, les beaux,
Tous les mots.

Avant, elle les collectionnait tous. C’était même la plus grande collectionneuse de mots au monde ! Oui, au monde !
Mais lorsqu’elle avait trouvé ce beau et nouveau mot, elle ne savait pas du tout où elle pouvait le ranger. Il n’y avait plus de place.
Alors elle avait décidé d’offrir toute sa collection à ses amis lors d’une grande fête.
Elle est assez loufoque, la souris Tutti,
je vous l’avais bien dit.
Aujourd’hui, elle ne regrette rien,
c’est même avec gourmandise qu’elle part à la recherche d’un autre nouveau mot
qui saura la ravir, l’éblouir, la conquérir.

Elle marche vite. Vous pensez, avec ses grandes bottes, ça aide !
Elle marche jusqu’à ce qu’elle soit intriguée par une drôle de pancarte un peu abîmée.
Néanmoins, Tutti parvient à lire :
« Pour découvrir le château des mots, prendre le petit chemin à droite. Après une grande boucle, prendre celui de gauche qui vous mènera directement au château. »
Mais c’est exactement ce qu’il me faut, s’écrie Tutti.
Youpi ! Allons-y !

Une heure plus tard, la porte du château grince : ouine, ouine.
- Je ne sais pas si je suis la bienvenue ici, pense Tutti. Je vais essayer de me faufiler sans me faire remarquer.
Mais ses bottes résonnent sur l’immense étendue du sol.
Elle les enlève. Oh ! C’est glacial !
Comme elle sautille pour éviter ce froid, une des bottes tombe bruyamment
sur les pavés. Aïe ! Aïe ! Aïe ! La visite commence mal.
A l’instant même, un gigantesque murmure enfle au fond de l’immense pièce.
Tutti est morte de peur mais elle ne peut plus reculer maintenant.
Il faut y aller.

Elle ne voit rien ni personne mais, en s’approchant, elle distingue dans le brouhaha,
ce drôle de dialogue :
- Oui, oui, je te le dis et te le répète, la souris Tutti va venir parmi nous choisir le numéro deux de sa nouvelle collection !
- Mais alors, il faut absolument qu’elle choisisse l’un d’entre nous, dit le mot Machiavélisme. Il y a aussi Echinoderme, Surinvestissement, Oxydoréduction. Elle aura le choix.
- Non mais, tu plaisantes ! Vous les mots compliqués, vous n’avez aucune chance. C’est nous qu’elle choisira. Les mots rigolos, c’est bien plus marrant ! Elle n’aura que l’embarra du choix, entre mon ami Turlututu, Quiproquo, Cousette, Grigri ou bien votre humble serviteur : Scoubidou.

Oh, il va falloir la jouer fine ! Se dit Tutti en décidant d’éliminer ces deux groupes de fâcheux. Elle se souvient que son ami Blaireau, qui sait plein de choses sur le mots, lui a souvent dit que les mots sont de grands voyageurs, qu’ils viennent de partout et d’ailleurs. Cette idée lui plaît beaucoup. Alors, n’ayant plus peur du tout, Tutti s’exclame :
- Vous qui venez de loin, racontez-moi votre histoire !
Aussitôt, elle voit arriver plusieurs mots :
- Tomate, Canot, Ouragan, Pirogue. Nous venons des langues amérindiennes, parlées par les Indiens d’Amérique du Nord et nous sommes arrivées par les récits de voyage, pour vous servir.
- Très bien, répond Tutti. Et vous, s’adressant au groupe des mots : Brique, Action, Ruban, Mannequin, Matelot.
- Nous sommes d’origine néerlandaise. Et voici nos voisins, les mots qui viennent de l’allemand : Croissant, Bretelle, Accordéon, Espiègle.
Mais au même instant, on entend :
- Et nous ? Tu nous oublies ! Je vous présente le Thé qui vient de Malaisie et qui a été transmis au français par le néerlandais. Moi aussi j’ai été transmis par le néerlandais et je viens du Portugal. Je m’appelle Mousson.
Tutti commence à avoir le tournis avec tous ces mots. Alors pour se détendre, elle pense à une énorme glace à l’italienne.
- Y-a-t-il des mots d’origine italienne, ici ? demande-t-elle.
- Oui, il y a nous ! Dit Ambassade en présentant quelques-uns de ses amis. Voici : Mosaïque, Pointilleux, Brigand, Sentinelle, Perruque, Guirlande, Moustache, Saucisson…
- En parlant de nourriture justement, il ne faut pas m’oublier. Je suis le Sucre et il s’avère que je suis d’origine arabe et que j’ai été transmis pas l’italien. Donc je viens d’Italie aussi !
- Oh la la ! Je vais en perdre mon latin, se lamente Tutti.
- A toi de voir, dit Talisman en s’avançant mais tu pourrais prendre aussi des mots qui viennent directement de l’arabe. Et nous sommes si nombreux que tu auras un très grand choix. Ici tu as Orange et là Nénuphar, et plus loin Satin, Bazar, Sirop, Epinard, Mohair, Zénith…
- Je te crois volontiers, coupe Tutti en réfléchissant. Mais je crois que je vais finalement choisir mon mot par hasard.
Mais le voilà mon mot : Hasard ! Ce n’est pas un joli mot, ça ? D’où viens-tu le Hasard ? Montre-toi !
- Oui, oui, je suis là, dit une toute petite voix. Je suis d’origine arabe, comme mes amis, et c’est par l’espagnol que j’ai été transmis au français.
- Eh bien, comme tu as beaucoup voyagé, c’est toi que je choisis !
Puis elle ajoute, mais seulement pour elle, et pour vous mes amis :
- A la réflexion, je me demande si ce n’est pas toi le plus puissant du monde : le Hasard. ! Ouh ! J’en frémis.

Mais en vérité, Tutti semble plutôt ravie. Et en prenant son mot délicatement, elle lui dit :
- Allons-y, je vais te présenter à Butterfly. Je suis sûre que vous allez bien vous entendre !

dimanche 5 septembre 2010

Les Chats de Mary

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 6 mn

- Come here, come here babies !
Autrement dit :
- Venez, venez par ici mes petits chéris !
Voilà ce qu’on pouvait entendre tous les après-midi vers cinq heures si l’on passait près de la maison de Mary, dans le quartier de Barnet, banlieue de Londres.
Mary a soixante-dix ans. Ou plus. Sans doute beaucoup plus. Ses cheveux ramassés en chignon sur la nuque sont blancs depuis longtemps. Sa longue jupe grise rassemble comme elle peut les rondeurs de la vieille femme et ses chaussures ressemblent à des chaussons. Pas étonnant, ce sont des chaussons. Elle ne sort plus beaucoup depuis que son mari n'est plus là. Et puis, le quartier n’est plus ce qu’il était, pense-t-elle.
Un jour elle a entendu des miaulements autour de sa maison. Intriguée, elle a ouvert sa porte et qu’a-t-elle vu ? Un joli petit minou qui semblait complètement perdu.
- Quelle aubaine, a-t-elle dit à l’animal effrayé, c’est l’heure du thé ! Viens donc, tu dégusteras des petits morceaux de mes biscuits préférés.
C’est exactement comme ça que tout a commencé. Ce petit chat est resté. Mary lui trouvait toutes les qualités : il avait bon caractère, son poil était soyeux et son doux ronronnement la berçait. Jamais elle n’avait pu avoir un animal avec Henry, son mari ; il ne les aimait pas.
Elle rattraperait tout ce temps perdu. Ses placards étaient remplis de biscuits, elle pouvait les partager avec de nombreux petits amis.
Alors elle a pris l’habitude de laisser sa porte ouverte, au cas où un autre petit chat viendrait à s’égarer dans son quartier. C’est ce qui est rapidement arrivé au début des vacances. De nombreux propriétaires de chats sont partis en vacances sans vraiment prévoir ce qu’ils feraient de leur animal. Au bout de deux jours, celui-ci se retrouvait affamé et n’ayant plus de toit où se réfugier. Peut-être était-il aussi attiré par l’appel qui provenait de la maison de Mary, tous les jours vers cinq heures :
- Come here, come here babies !
Il en est venu comme ça au moins une douzaine. A ce stade, Mary a pensé que c’était suffisant, alors elle a fermé sa porte. Mais elle avait oublié une chose essentielle ; parmi tous ces jolis minous, il y avait des chats et … des chattes. Au bout de quelques semaines, ces dernières ont mis bas et lui ont offert de jolies petites boules frémissantes, sans poils, mais avec des moustaches. Comme plusieurs portées sont arrivées en même temps, la vieille femme s’est vite retrouvée débordée par ses amis à quatre pattes. Que faire ? Impossible de les laisser s’en aller. Où iraient-ils ? De toutes façons, elle s’était attachée à chacun d’eux et ne voulait pas les perdre.
La coïncidence veut qu’au même moment, une petite fille du quartier perde son chat. Susan, c’est son nom, n’hésite pas. Elle frappe à toutes les portes en disant à tout vitesse :
- Vous n’auriez pas vu mon chat, il est tout noir, il a deux petites oreilles pointues et sa queue est coupée. S’il vous plaît, vous n’auriez pas vu mon chat ?
La pauvre enfant a répété quinze fois ces paroles sans succès. C’est terrible, il est déjà cinq heures, cela fait donc presque vingt-quatre qu’elle n’a pas revu son Poséidon. Elle lutte contre son découragement lorsqu’elle entend :
- Come here, come here, babies !
La voix est chaleureuse, alors elle espère à nouveau et tente sa chance en frappant à la porte de Mary.
Mais c’est affreux ! Une odeur pestilentielle, mélange d’urine et de crottes de chats, lui pique le nez et le spectacle qu’elle découvre la laisse sans voix. Des chats, des chats partout, une saleté répugnante et une vieille femme qui ressemble à une sorcière.
Quelques chats profitent de la porte ouverte et s’enfuient. Pour eux aussi, la situation est devenue intenable. Malgré son dégoût, Susan pénètre dans la maison pour voir si elle ne retrouve pas son chat. Mary ferme la porte et supplie la petite fille :
- Tu ne diras rien, n’est-ce pas ? Je ne veux pas qu’on m’enlève mes chats. C’est tout ce qu’il me reste, tu comprends ?
Entre temps, deux autres personnes se dirigent vers la maison de Mary. Il s’agit d’un policier qui a repéré la bande de chats jaillissant hors de la maison et de la mère de Susan qui cherche sa fille. Tous deux frappent à la porte.
Horrifié par ce qu’il voit, le policier hurle :
- J’appelle tout de suite les services vétérinaires ! Ils viendront liquider tout ça !
Mais Susan, qui a compris à quel point les chats comptent pour Mary, se tourne alors vers sa mère et plaide la cause de la vieille femme pendant que le policier dresse le procès verbal.
Un instant plus tard, c’est au tour de la mère de Susan de défendre Mary. Elle demande au policier de lui accorder un délai, sinon cette vieille dame mourra de chagrin :
- Justement, le conseil du quartier doit se réunir ce soir, précise-t-elle. Je vous promets qu’on mettra ce problème à l’ordre du jour et qu’on trouvera une solution.
Le policier, qui ne veut pas être responsable de la mort d’une personne, finit par accorder ce délai et s’en va en ronchonnant.
C’est Susan elle-même qui annonce la bonne nouvelle à Mary : le conseil du quartier a proposé que chaque famille adopte un chat. Quand la vielle dame voudra le voir, il lui suffira de téléphoner à la famille qui viendra la chercher. La petite fille s’empresse aussi de rassurer la vieille dame ; elle a retrouvé Poséidon, tout simplement blotti sous la haie des voisins.
Dès le lendemain, des volontaires sont venus nettoyer la maison de Mary.
Maintenant il ne se passe plus un jour sans visite à une famille. Mary est ravie ; ses chats sont bien nourris et bien installés. Quant à elle, elle n’est plus jamais seule et apprécie beaucoup sa nouvelle vie.
Un jour, une maîtresse de maison lui dit :
- Savez-vous Mary que votre chat a le cafard quand vous partez. Chaque fois il refuse ses croquettes le soir !
Mais Mary sait que son chat n’est pas malheureux. Elle connaît la raison du « cafard » ! Ce sont ses bons biscuits tout dorés, les meilleurs de Londres, qu’elle transporte dans ses poches et qu’elle distribue discrètement au chat, dès que les gens ont le dos tourné. Et si on écoute bien, on entend une petite voix qui murmure :
- Come here, come here, baby !