dimanche 30 mai 2010

Le Cavalier du dimanche

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 3mn 30

Ce jour-là, il faisait assez froid pour la saison. Nous étions en mai mais le vent était glacial et la mer ne devait pas être bien chaude. Ses rouleaux menaçants étaient d’ailleurs peu accueillants et aucun baigneur n’avait envie de s’y risquer.
Heureusement il y avait toutes sortes de clubs pour occuper les touristes venus nombreux en ce grand week-end. Le char à voile rivalisait avec la planche, le deltaplane ou d’autres sports de voile comme le kitesurf, une planche tirée par un cerf-volant.
Et c’était sans compter les sports équestres. C’est précisément ce que notre touriste avait préféré ce matin-là. Le club d’équitation marchait bien à cette période de l’année. On aurait dit que tout le monde voulait apprendre à monter à cheval. Il faut dire que la publicité était facile à faire : qui n’admirait pas le beau galop des chevaux sur la plage au bord de l’eau ? Tout le monde en rêvait !
Le groupe des cavaliers arriva sur la plage vers les onze heures, en faisant grande sensation parmi les promeneurs très nombreux à cette heure. Notre touriste, appelons-le Monsieur Jemenfiche, s’était impatienté pendant que Raymond, le moniteur, donnait les instructions techniques.
Monsieur Jemenfiche savait tout, il n’avait pas besoin des conseils de Raymond ! Il se tenait droit comme un I sur son cheval et il était persuadé d’être le meilleur cavalier de tout le groupe. Il est vrai que tout commençait bien pour lui ; on lui avait donné pour monture une belle jument de sept ans qui s’appelait Rose des vents et qui était aussi douce que son nom.
Le groupe marcha d’abord un bon moment au pas. Monsieur Jemenfiche, qui voulait un peu plus d’émotion, se mit à titiller Rose des vents en lui donnant des coups répétés dans les flancs. Mais la jument était assez sage pour ne pas tenir compte des ordres ridicules d’un touriste qui n’y connaissait rien.
Puis Raymond donna l’instruction aux cavaliers d’amener leur cheval au trot. Rose des vents partit donc au petit trot mais elle sentit que son cavalier ne faisait aucun effort pour suivre son rythme. Il ne cherchait qu’à se faire remarquer et se montrait si fier et si prétentieux qu’elle fut tentée de lui donner une petite leçon en faisant un pas de côté. Monsieur Jemenfiche ne comprit pas l’avertissement et continuait à parader.
Le rythme s’accéléra petit à petit et les chevaux se mirent à galoper tranquillement.
Le spectacle qu’ils donnaient alors sur la plage fut bien vite remarqué. Il y avait des « Oh » et des « Ah » d’admiration, surtout de la part des enfants qui criaient :
- M’man, m’man, regarde les chevaux, y vont vite !
En montrant avec leur doigt, les plus petits se contentaient de dire :
- Dada, dada.
Mais on sentait un si grand émerveillement dans leur voix que tout le monde en était ému et se mettait aussi à contempler les chevaux qui galopaient, oreilles dressées et queue jouant avec le vent : tagada, tagada, tagada.
Quand Monsieur Jemenfiche s’aperçut que toute la plage les admirait, il ne put s’empêcher de crier pour qu’on le regarde, lui, plus que les autres :
- C’est facile ! Je savais que j’y arriverais ! Youpi ! Waow ! C’est super faciiiiile !
C’en était trop pour Rose des vents. Elle s’arrêta brusquement. Son cavalier, surpris, cessa de crier. Enfin on le remarqua. Tout le monde s’interrogeait : que va-t-il se passer maintenant ?
Brusquement, on vit partir la jument au plus grand galop, directement vers la mer. Il ne se vantait plus, Monsieur Jemenfiche, il hurlait :
- Je ne maîtrise plus rien, je ne maîtrise plus rien ! Au secours !
Quand l’eau lui arriva aux genoux, Rose des vents s’arrêta si subitement que notre touriste fut projeté dans les flots glacés.
Et c’est très piteusement qu’il sortit de l’eau, transi, trempé, mais surtout horriblement vexé.