dimanche 14 février 2010

L' homme impatient

Tranche d’âge : à partir de 5ans
Durée : 3 mn


Il était une fois un homme impatient. Il aurait bien aimé trouver le calme et le repos, mais la moindre contrariété le plongeait dans un état d’agacement prodigieux.
Si sa mule n’avançait pas, il la rouait de coups, S’il ne trouvait pas à l’instant même la clé de sa chaumière, il jurait. Et si quiconque le faisait attendre, c’était la rage qui s’emparait de lui. Bref, il ne supportait aucun désagrément de l’existence.
Ernest, son ami, était tout le contraire. Il se montrait toujours calme et tranquille. C’était un garçon simple et direct, avec un visage épanoui, un regard franc. Clément, l’homme impatient, appréciait beaucoup sa compagnie. Il retrouvait une certaine sérénité auprès de lui et ne manquait jamais de lui rendre visite lorsque son impatience et sa nervosité le faisaient trop souffrir. Ernest l’accueillait avec tant de calme et de gentillesse que les sentiments tumultueux de Clément s’évanouissaient rapidement.
Ce jour-là, Clément était très énervé parce que sa mule n’avançait pas assez vite mais, au lieu de la frapper comme à l’accoutumée, il décida d’aller voir son ami. Celui-ci l’invita aussitôt à la partie de pêche qu’il projetait de faire dans l’après-midi.
Les deux amis partirent en direction de la rivière et Ernest ne tarda pas à lancer sa ligne. La rivière courait, fraîche et mélodieuse sous les racines des saules. Clément s’assit à l’ombre des arbres, à côté de son ami et attendit avec lui. Il parlaient très peu. De temps à autre, on entendait le crissement des roues d’une charrette qui filait sur le chemin en direction du village, mais pour l’essentiel rien ne troublait le silence de cette mi-journée chaude et nonchalante.
Au bout de quelques heures, lorsque la brise du soir vint taquiner leur peau brunie, ils décidèrent de rentrer. Ernest n’avait rien pris ; aucun poisson n’était venu mordre à son hameçon mais il gardait le sourire et sa tranquillité.
Sur le chemin du retour, Clément déclara tout à coup :
- Jamais je n’aurai la patience de pêcher !
- Mais, lui répondit Ernest un peu surpris, tu as l’as bien eue cet après-midi ! Tu as passé tout ce temps à attendre avec moi ! Parmi tous les gens que je connais, tu es sans doute le plus patient.
Et en disant ces mots, Ernest se tourna vers son ami puis lui tendit sa canne :
- Tiens, elle est à toi maintenant. Tu l’as bien méritée.
Plusieurs mois passèrent. Un jour, après un hiver long et rigoureux, Ernest vint rendre visite à son ami Clément pour lui annoncer une grande nouvelle. Il avait décidé d’entreprendre le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. C’était un voyage que les pèlerins faisaient à pied et qui pouvait durer des mois ou même une année entière.
- Comment ? dit Clément étonné, toi qui aimes tant ton petit coin tranquille, tu partirais si loin, je ne comprends pas ?
- Eh bien, il n’y a rien à comprendre, tout le monde peut changer ! répondit Ernest, avec un petit sourire entendu.
C’est vrai, tout le monde peut changer. Depuis le départ de son ami, dès que Clément sent naître en lui une quelconque impatience, il prend sa canne à pêche et passe l’après-midi près de la rivière.
Il écoute le vent dans les saules, il respire les odeurs de la terre qui se mêlent à celles de la rivière, il regarde les miroitements de l’eau et il pense à son ami parti sur les chemins.