dimanche 20 juin 2010

La Petite fée de mon quartier

Tranche d’âge : 4 – 8 ans
Durée : 4 mn 30

Dans mon quartier, il y a une petite fée. Elle s’appelle Gigi. Tout le monde la croit dans la police parce qu’elle porte un beau képi et qu’elle fait traverser les enfants au carrefour. Mais moi, je sais bien que c’est une fée. Je vais vous dire pourquoi.
D’abord, elle sourit toujours. Une personne normale serait de mauvaise humeur, un peu, de temps en temps. Ou bien pas très en forme, avec des hauts et des bas. Elle, jamais ! Toujours un beau sourire pour chaque enfant et chaque parent qui traverse.
En plus des sourires, il y a aussi un petit mot gentil, pour que tout le monde commence bien sa journée. Et à chacun correspond un petit mot différent. Quand Jérémy traverse le matin et qu’il a mal au ventre, elle le sait ! Elle lui tapote doucement l’épaule et lui dit :
- Ne t’inquiète pas, ça ira mieux tout à l’heure, tu verras !
Quand le petit garçon arrive à l’école, non seulement il n’a plus mal au ventre mais il a complètement oublié qu’il avait mal dix minutes plus tôt.
Si Camille et Benjamin arrivent la tête à l’envers parce que leurs parents se sont déjà disputés le matin, Gigi les prend par la main et les fait traverser en leur racontant des blagues, jusqu’à ce qu’ils ce qu’ils éclatent de rire. Un matin, ils avaient bien rigolé avec l’histoire des sardines :
Deux sardines s’ennuient. L’une des deux demande : « Qu’est-ce qu’on fait ce soir ? La deuxième répond : Et si on allait en boîte ! »
Gigi a plein d’histoires comme çà raconter aux enfants et lorsque les vacances de Noël approchent, elle leur distribue des crottes en chocolat délicieusement fourrées au caramel. Hum ! Elle en donne à tous les enfants et pourtant ils sont très nombreux. Elles sort les friandises de sa poche, comme ça, une par une, et jamais il n’en manque. Pareil pour les vacances de printemps. Ce sont des centaines de petits lapins ou d’œufs de Pâques en chocolat qu’elle sort de sa poche magique.
Mais le plus impressionnant, c’est lorsqu’elle range soigneusement son bâton, sa casquette et son gilet jaune. Elle part alors en courant à travers tout le quartier en faisant de grands bonds légers, si légers, si gracieux, qu’on a l’impression qu’elle va s’envoler. Un jour, je l’ai aperçue au bout de la rue qui donne sur le petit bois de chênes et de noisetiers. Eh bien, vous n’allez pas me croire, mais je l’ai vue se transformer en gazelle. Oui, en gazelle ! J’ai vraiment distingué la croupe de l’animal qui dansait légèrement au-dessus de longues pattes fines et puis, en un clin d’œil, hop ! elle a disparu.
J’ai compris les jours suivants, en regardant ses grands yeux doux soulignés d’un trait noir, que je n’avais pas rêvé. J’ai gardé le secret mais j’ai souvent cherché, sans jamais y parvenir, la jolie gazelle qui m’était apparue ce jour-là.
La vie a repris son cours. Gigi est comme à son habitude : souriante, attentive et drôle aussi. Parfois, juste pour faire rire les enfants, elle fait de grands mouvements de bras et son bâton se transforme alors en pique comme si les voitures étaient des taureaux et la rue, une corrida. Ou bien elle traverse la rue en faisant des jetés, des sautés, pour finir par une roue spectaculaire, parfaitement exécutée, ce qui provoque immédiatement des applaudissements de tous côtés. Non, personne ne résiste à Gigi, la petite fée du quartier.
Mais la semaine dernière, je me suis drôlement inquiétée. J’arrive un peu avant l’heure de la sortie de l’école. D’habitude Gigi est là, prête à accueillir les enfants et leurs parents. Ce jour-là, pas d’enfants, pas de parents, et surtout, pas de Gigi ! Que se passait-il donc ? Depuis vingt ans que j’habite le quartier, jamais elle n’avait manqué un rendez-vous avec ses petits loulous.
- Pourvu qu’il ne lui soit pas arrivé un accident ! me suis-je dit.
Et aussitôt j’ai pensé à la petite gazelle. C’était la semaine de l’ouverture de la chasse ! J’ai imaginé le frêle animal abattu par des chasseurs prêts à tout pour ramener le premier trophée à la maison. Vite, j’ai couru dans la rue qui mène au petit bois. Mais je ne suis pas Gigi la gazelle, j’ai dû m’arrêter deux ou trois fois pour souffler et je me suis retrouvée au terrain de jeux d’où j’avais entendu des cris. Ouf ! Pas de chasseurs en vue. C’étaient les enfants qui jouaient, tout simplement. Alors je me suis écriée :
- Mais oui, suis-je bête ! Aujourd’hui, c’est mercredi !