dimanche 26 décembre 2010

La Fille du château

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 6 mn

Il était une fois un châtelain et sa femme qui n’avaient qu’une seule fille. Mais elle était si belle et si douce qu’elle leur avait fait rapidement oublier le chagrin de n’avoir pas d’autres enfants.
Plus elle grandissait et plus sa beauté se distinguait. Ses longs cheveux bruns et bouclés descendaient en cascade jusqu’à ses reins et mettait en valeur sa taille fine et son allure élancée. Et personne ne pouvait être insensible à ses doux yeux couleur émeraude, sa bouche couleur rubis et son teint aussi frais que la rosée du matin.
Ses parents l’admiraient plus que tout au monde et ne voulaient pas penser au jour où elle tomberait amoureuse d’un chevalier de la contrée et irait vivre auprès de lui. Comme ils avaient fait fortune autrefois dans une ville lointaine, ils avaient décidé de s’installer dans un grand château isolé pour profiter de leur richesse sans soucis et sans jalousie de l’entourage.
Seul un autre couple vivait avec eux. Il s’agissait de Viviane et Théodore. Celui-ci s’occupait des jardins et des gros travaux de la maison quand son épouse était tout à la fois domestique, cuisinière et gouvernante. Elle savait aussi coudre et rapiécer tous les vêtements et pas seulement les vêtements. Les cœurs aussi car elle était sensible et très avisée. Lucile, la jeune fille du château, l’aimait beaucoup et c’est à elle, plus qu’à sa mère, qu’elle faisait des confidences.
Un jour, les parents de la jeune fille eurent cette discussion :
- Nous serons bien tristes lorsque notre fille devra nous quitter, n’est-ce pas mon cher mari ?
- Est-ce inévitable ? Ne serait-il pas possible de la garder auprès de nous ? Elle nous sera bien utile lorsque nous vieillirons, répondit le mari.
- Sans compter, continua la femme, qu’il faudrait nous défaire d’une partie de notre fortune et la donner à notre gendre !
- Je suis d’avis que nous la gardions auprès de nous, conclut le châtelain. Pourquoi partager cette douce et belle fille avec quelqu’un qui ne saurait même pas nous remercier ?
- Mais comment allons-nous faire pour l’empêcher de se marier ? demanda la châtelaine. Elle plaira sans aucun doute au premier jeune homme qui la verra.
- Nous habitons un endroit bien isolé. Il suffira donc, ma douce, siffla le mari, que nous fassions en sorte qu’aucun jeune prétentieux ne vienne jusqu’à nous. Notre Lucile n’aura aucun moyen de s’en aller si on ne vient pas la chercher. Certes elle trouvera le temps un peu long, mais elle s’y fera. Qu’en pensez-vous, ma bonne amie ?
- Ma foi, votre raisonnement n’est pas dénué de sens, faisons ainsi, lui répondit sa femme.
Et c’est ainsi que le sort de la pauvre Lucile fut scellé par ses parents.
Mais Viviane avait tout entendu et elle trouvait la situation particulièrement injuste pour la jeune fille. Comment ? Elle vivrait toute sa vie sans connaître les joies et les souffrances de l’amour ? Elle ne verrait jamais d’autre pays que le sien ? Elle ne connaîtrait pas d’autre nourriture que celle du château ? Voilà qui était insupportable à la fidèle servante. Elle se promit de trouver une solution pour venir en aide à la jeune fille qui n’avait pas la moindre idée des combines de ses parents. Viviane trouvait d’ailleurs à Lucile l’air souvent triste ces temps-ci et la mine de plus en plus pâle. Il fallait agir.
Alors elle avertit l’oiseau qui se tenait toujours sur la plus haute branche du vieux tilleul. A son tour, l’oiseau avertit tous les animaux de la forêt. Ils avaient pour mission d’amener un beau chevalier vers le château. Il ne leur fallut pas plus de deux jours pour trouver leur belle proie. C’était un jeune chevalier qui était parti un matin très tôt en quête d’aventures. Il chevauchait droit devant lui, et jamais il ne se serait douté qu’il y avait un château au-delà du sous-bois dont les chemins étaient presque impraticables, si les biches et les chevreuils qu’il poursuivait ne l’avaient si bien guidé.
Lorsqu’il arriva devant le grand château à la façade austère, il aperçut une personne qui lui faisait de grands signes. Intrigué et se demandant si quelqu’un avait besoin d’aide, il passa le portail et avança dans la cour du château. Viviane, voyant alors tout de suite qu’elle avait affaire à un vrai chevalier qui n’hésiterait pas à porter secours à une personne en difficulté, lui dit sans détours :
- Beau chevalier, c’est la chance qui vous amène ici car nous avons besoin d’aide. Une personne est emprisonnée dans ce château et cela nous rendrait mille services si vous pouviez la délivrer.
Mettant aussitôt la main à son épée, le chevalier demanda qu’on l’amène tout de suite auprès de cette personne. Viviane le fit patienter en lui racontant la vie du château tout en espérant la venue de Lucile. Celle-ci ne tarda point car elle avait entendu du bruit et tout ce qui pouvait égayer la vie du château l’intéressait, tant elle souffrait d’ennui.
Elle accourut donc jusqu’à ce qu’elle découvre ce que jamais elle n’aurait espéré voir dans cet endroit désert : un magnifique jeune homme avec un regard doux mais volontaire, d’une très belle taille et portant un habit qui lui allait à merveille. De son côté, le jeune chevalier resta stupéfait devant la grande beauté de la jeune fille qui ressemblait à un pauvre animal apeuré, tout droit sorti de sa tanière. A partir du moment où leurs yeux se rencontrèrent, ils comprirent tous deux qu’ils ne pourraient plus se quitter.
Viviane était heureuse, la première partie de son plan avait parfaitement réussi. Mais il restait les parents à convaincre et la tâche ne serait pas facile. Laissant les deux jeunes gens faire connaissance, elle partit à la recherche du châtelain et de son épouse. Quand enfin elle les trouva, elle leur fit une description si élogieuse du jeune homme que, passée la surprise d’avoir eu une telle visite, ils furent d’accord de le rencontrer. Mais Viviane voulait d’abord obtenir leur parole qu’ils laisseraient leur fille épouser le chevalier s’il leur convenait :
- Jamais ! dirent-ils en chœur. Nous aimons trop notre fille pour la laisser nous quitter.
- Réfléchissez un peu, intervint alors la fidèle gouvernante, est-ce l’aimer vraiment que de vouloir la garder pour vous ?
Les parents avaient toute confiance en Viviane. Jamais elle ne les avait trompés, jamais elle ne leur avait donné de mauvais conseils. Ils savaient aussi qu’elle leur avait consacré toute sa vie. Alors ils acceptèrent de se poser sincèrement la question. Viviane en profita pour ajouter :
- Si vous êtes de bons parents, vous devez aimer votre fille pour elle, et non pour vous.
Les parents durent admettre que Viviane avait raison et promirent qu’ils laisseraient partir leur fille si celle-ci le souhaitait.
Quand ils rencontrèrent le jeune chevalier, ils furent tous deux impressionnés par sa mine loyale et son regard franc. Au comble du bonheur, Lucile les embrassa tendrement et longuement.


Remerciements

Je remercie Laurent et nos enfants : Liv, Adrien et Aubert, pour leurs encouragements et leur assistance technique.
Je remercie particulièrement Adrien et Justine pour leur participation graphique.
Je remercie mes fidèles lecteurs et lectrices, les grands comme : Julia, Agnès, Catherine, Nanette, Florence, Mariam… et tous les autres.
Je n’oublie pas les petits lecteurs comme : Youna, Colin… et tous les autres.
Je remercie aussi tous ceux qui m'ont inspirée : Julia, Ali, Arnaud, Youna et Colin, Papé, à titre posthume, Jeanne et sa famille, Catherine et Claude qui m'ont rapporté l'histoire véridique du Cavalier du dimanche, sans oublier Gigi, la gazelle du quartier.
Merci également à Brigitte Bulard-Cordeau pour son accueil et ses conseils avisés.

Je dédie toutes ces histoires à Guillaume.