dimanche 8 août 2010

Le Pont tournant

Tranche d’âge : 4 – 8 ans
Durée : 4 mn

Dans ma ville, il y a un port. Avec de jolis bateaux à voile et à moteur de toutes les couleurs. Et pourtant, ma ville n’est pas tout à fait au bord de la mer. Vous vous demandez alors comment font les bateaux pour arriver dans le port. Est-ce qu’ils vont à dos d’âne ? Ou peut-être qu’ils font du patin à roulettes ou du skateboard ? La réponse est bien plus simple : les hommes ont construit un canal de la mer à la ville pour que les bateaux arrivent tranquillement dans le port. Et pour éviter que toute la région soit coupée en deux, les hommes ont aussi inventé des ponts très spéciaux : ce sont des ponts qui tournent au-dessus du canal et qui viennent doucement mais sûrement se ranger sur le côté quand un bateau pointe son nez.
Avant il y avait une personne dans des petites cabines pour actionner le pont mais maintenant la manœuvre est automatique. Alors attention aux accidents ! Il faut vraiment s’arrêter lorsque le feu devient rouge et que les barrières se ferment devant les voitures. Et il n’y a pas que des voitures, il y a aussi des mobylettes, des vélos et des passants.
Ecoutez ce qui est arrivé hier à un très jeune passant de mon quartier.
Il a environ deux ans, de belles boucles blondes et un visage toujours rieur. Il est aussi très curieux et veut découvrir tout ce qui l’entoure.
Lorsqu’on a aperçu un bateau sur le canal, le feu rouge a commencé à clignoter. Cela signifie qu’il est trop tard pour s’aventurer sur le pont parce qu’il va bientôt tourner. Mais plusieurs voitures sont tout de même passées, au risque du danger. Puis les barrières sont tombées. Impossible alors pour les voitures de passer, elles ont toutes été enfin contraintes de s’arrêter. Les mobylettes, les vélos, les piétons aussi. Il n’y a que les bambins, hauts comme trois pommes, qui pouvaient encore passer.
Eh bien, c’est exactement ce qu’a fait Félix, le petit curieux. Il a échappé à sa maman qui, pourtant, lui tenait la main. Trop tard ! Le pont commençait à tourner. L’enfant riait, la maman criait.
Plus personne ne pouvait intervenir maintenant que la manœuvre était engagée. La mère avait cessé de crier mais elle était très pâle. Tout le monde retenait son souffle en espérant que l’enfant ne s’approche pas du bord.
Tout à coup, un petit bout de chien s’élance vers le pont qui continue à tourner inexorablement. Le chien saute. Abordera-t-il le pont ou bien tombera-t-il à l’eau ? C’est la question que tout le monde se pose. Certains ferment les yeux en redoutant un « plouf » malheureux. Mais le petit chien généreux a la chance avec lui. Il réussit à atterrir sur ses quatre pattes, juste sur le rebord du pont. Il se dirige en trottinant vers l’enfant qui l’accueille avec des cris de joie. Petit à petit, le chien entraîne le garçon vers l’endroit le moins dangereux du pont. La maîtresse du chien est très fière de son animal. Elle sait qu’il a compris la situation d’urgence et que l’enfant est maintenant en sécurité. Il est comme ça, le bichon frisé, c’est un petit chien observateur, bienveillant et doux.
Les gens ne regardent plus que le spectacle fascinant du chien et de l’enfant dont les boucles chatoyantes se mêlent. Pour être à la hauteur de son compagnon, l’enfant s’assoit. Tout le monde respire. Pourvu qu’il ne bouge plus !
Il n’y a que la grande sœur de Félix qui chuchote, en direction de sa mère qui se tient le visage dans les mains :
- Ne t’inquiète pas, Maman, tout ira bien maintenant.
Elle avait raison. Le pont a fini de tourner dans un sens, le bateau est passé. Puis le pont a repris son chemin en sens inverse, sans que l’enfant ne songe à quitter son nouvel ami.
Quand on a entendu un énorme « clac », signifiant que le pont avait fini sa manœuvre et que la route était à nouveau ouverte, le petit chien a libéré l’enfant qui a couru vers sa mère en s’écriant :
- Maman, Maman, encore le manège !
Quant au petit bichon, il a eu droit à de nombreuses caresses de sa maîtresse et aux applaudissements de tous les passants. C’était bien mérité, non ?