dimanche 26 septembre 2010

Un Livre de princesse

Tranche d’âge : à partir de 5 ans
Durée : 6 mn

C’est le grand déménagement à la bibliothèque de mon quartier. Elle va s’installer juste en face, mais dans un local plus grand et plus facile d’accès. Il est vrai qu’il fallait grimper plusieurs marches pour y accéder, et ce n’était pas commode pour tout le monde. Mais je l’aimais bien, tout de même, ma bibliothèque. J’aimais me mettre dans un petit coin et feuilleter les revues, les romans et surtout les albums colorés pleins d’ histoires extraordinaires.
Et tout cela pendant que Christine nous passait de la musique douce et originale qu’elle avait soigneusement concoctée pour nous. Et pendant que l’autre Christine cherchait dans les rayons bien rangés, l’histoire qui pourrait me transporter loin de mes petits soucis quotidiens. Quant à Anne, aux commandes devant l’ordinateur, elle s’empressait de chercher dans tous les fichiers.
Je suis impatiente de les revoir dans leur nouveau paradis de livres. C’est à elles, mes trois bibliothécaires fidèles et accueillantes, que je dédie cette histoire.

Un jour à la bibliothèque, je vois jaillir du grand escalier, une petite fille à l’air bien décidé, suivie d’une grand-mère tout essoufflée. La petite fille s’installe aussitôt devant la banque de prêt, lève la tête vers David, un jeune stagiaire de la bibliothèque, et elle dit :
- Bonjour Monsieur, j’voudrais un livre de princesse, s’il te plaît !
Le jeune homme est un peu désemparé. Il vient d’arriver à la bibliothèque, il ne connaît pas de livre de princesse. Alors, il se réfugie derrière la pile de livres qu’il doit ranger et répond :
- Oui, j’arrive dans quelques instants.
Mais la demoiselle est pressée, alors elle invite sa grand-mère à venir fouiller avec elle dans les bacs des albums posés au sol. La grand-mère accepte cette mission avec sérieux mais ce n’est pas facile de crapahuter sur les tapis, entre les bacs, quand on est grand. C’est encore plus difficile quand on a des petites lunettes en équilibre sur le nez, des rondeurs et des rhumatismes un peu partout et surtout quand on a … un gros derrière. Attention, il ne faut pas écraser les petits enfants allongés devant les BD. La grand-mère doit se plier dans tous les sens et le tableau est plutôt rigolo. Il intrigue une autre grand-mère qui vient au secours de la première.
Ensemble, elles fouinent dans les bacs d’albums qui commencent par un A, un B ou un C. Elles furètent dans ceux qui commencent par un P, un Q ou un R mais rien n’y fait : pas de livre de princesse. Attirée par le manège, un troisième grand-mère vient les aider et , rapidement, elles sont rejointes par le bibliothécaire qui a fini de ranger sa pile de livres. Tout-à-coup, la grand-mère de la petite fille s’écrie :
- Oh ! En voilà un !
Mais elle parcourt les premières pages, fait la grimace et dit :
- Non mais, quelle capricieuse cette Princesse !
Les autres comprennent qu’il faut poursuivre les recherches. Finalement tous les lecteurs présents s’y mettent aussi. Deux papas se retrouvent par surprise au-travers d’un rayon de livres et l’un d’eux s’écrie :
- Mais on se connaît ! Vous habitez le quartier depuis longtemps ?
Ils se mettent alors à discuter avec entrain. Les retrouvailles semblent plutôt agréables. Par hasard, un jeune homme et une jeune fille portent ensemble leur regard sur une page d’album qui représente un beau bébé. Rire gêné puis sourire attendri.
- Je l’ai trouvé ! Je l’ai trouvé ! s’exclame une grand-mère très contente du butin qu’elle tient dans la main.
- Ecoutez, ça s’appelle : « La Princesse du donjon »
La grand-mère s’assied à côté de la petite fille et commence à lire l’histoire :
« La Princesse Sérénade était enfermée dans la plus haute tour du donjon depuis si longtemps qu’elle ne savait plus à quoi ressemblait le ciel, les arbres et le visage de ceux qu’elle aimait. Seul Gaspard, le petit serviteur du château, lui rendait visite pour lui apporter ses repas. Mais il avait ordre de ne pas lui adresser la parole. Elle ignorait donc ce qu’étaient devenus ses parents. Avaient-ils été obligés de quitter les lieux ou bien l’avaient-ils abandonnée ?
- Oh la la ! C’est triste, gémit la petite fille, qui n’a jamais pensé que les princesses pouvaient être aussi malheureuses.
Visiblement, ce n’est pas ce qu’elle recherche. Tout le monde est soulagé, l’histoire était vraiment trop triste. Et on se remet à chercher de plus belle.
Tout à coup, David brandit un album un peu usagé :
- Tiens, regarde celui-là. Il a beaucoup de succès.
La petite fille découvre, en ouvrant l’album, une princesse autoritaire qui crie après tout le monde. Elle lit :
- « Toi, va me préparer mon costume pour ce soir et dépêche-toi ! Et toi, viens ici. Pose le vase à cet endroit. Non, là ! Et va dire à cet abruti d’écuyer que je lui ordonne de venir immédiatement. »
Une grand-mère proteste :
- Mais ce n’est pas un livre de princesse. C’est un livre de sorcière !
La petite fille est d’accord et les recherches continuent. Soudain une des grands-mères se met à fredonner :
- « Ce soir, je serai la plus belle pour aller danser-é-é-é, danser. »
Une seconde enchaîne :
- « Ce soir, tu seras la plus belle pour aller danser-é-é-é, danser »
Et en chantant, elle regarde la petite fille. A ce moment là, ce sont toutes les grands-mères qui se tournent vers l’enfant et qui s’écrient en la désignant :
- Mais la voilà notre Princesse !
La petite fille est ravie, elle fait un magnifique salut et tout le monde applaudit. Puis on danse, on chante.
Anne et les deux Christine participent volontiers à ce joyeux désordre. Ensuite, chacun repart dans son coin et la bibliothèque retrouve son calme.
Un quart d’heure plus tard, je vois la petite fille se diriger vers l’escalier. Elle porte sous son bras un album, un seul. Je ne vois pas le titre alors je me contorsionne pour l’apercevoir ; ça y est, je le distingue enfin. L’album est intitulé :
Beau et Gentil Prince cherche désespérément Belle Princesse