dimanche 25 avril 2010

Au Parc de la Fossette

Tranche d'âge : à partir de 4 ans
Durée : 5mn 30


Colin est allongé sur le dos, dans l’herbe fraîche. Non il n’est pas tombé. Non il ne fait pas de crise, ce n’est pas son genre. Il s’est allongé, tout simplement, pour admirer les grands arbres du parc qui naissent là, dans la terre, sous sa tête, sous ses bras, sous ses jambes et qui vont là-haut, tout là-haut, si haut ! qu’il en a le vertige.
S’il était un écureuil, il grimperait le long des troncs rugueux en un clin d’œil. Mais s’il était une fourmi, il lui faudrait sans doute toute une vie.
Les troncs justement ! On dirait que chaque tronc raconte la longue histoire de l’arbre. Sur celui-ci, on dirait deux mains qui se rejoignent et au-dessous, il y a une tête, avec deux yeux, un nez et une bouche toute biscornue. Mais oui, c’est bien un petit lapin assis qu’on distingue sur celui-là ; on a presque envie de lui tendre une carotte. Sur un autre, c’est un buste de femme, comme on en voit dans les musées, avec un ventre rond et deux petits tétons. Et tous montrent des formes arrondies, qui vont souvent par deux. Comme des fesses ! Colin ne savait pas que les arbres montraient leurs fesses, ça le fait bien rigoler.
Mais entre deux éclats de rire, son regard est attiré par deux têtes de serpents qui se défient et, sur le tronc qui se trouve juste à côté de lui, il voit la gueule d’un lion menaçant. Il ferme alors les yeux très fort pour fuir ces figures effrayantes. Puis la petite brise qui fait chanter les feuilles, chatouille la peau de ses jambes et de ses bras. Il entend les cris des enfants qui jouent et cela le rassure tout à fait.
Quand il rouvre les yeux, il voit tous ces gens qui marchent, qui courent, qui jouent avec un ballon ou qui s’amusent à s’attraper. Parmi toutes ces silhouettes, il distingue le jogging rouge de son grand-père qui fait des tours de parc en courant. Alors il l’appelle :
- Papipolo ! Papipolo ! Viens voir comme il est gros le tronc de l’arbre !
Le grand-père s’exécute et ensemble ils font des grands signes à la sœur de Colin :
- Youna, viens voir !
La grande sœur n’a que faire de leurs signes mais ils insistent tant qu’elle arrive en courant.
Et c’est le grand-père qui s’amuse le plus en disant :
- Crois-tu qu’on peut faire le tour de ce marronnier avec nos bras réunis ?
Youna regrette d’avoir laissé sa nouvelle copine pour un enfantillage pareil, mais Colin demande :
- C’est un marronnier ? Tu crois Papipolo ?
- J’en suis sûr ! Et celui-là, c’est un orme, celui-là un platane et là, un tilleul.
- Mais comment tu les reconnais ? questionne Youna maintenant intriguée par le savoir de son grand-père.
- Eh bien, c’est parce que je suis vieux. J’ai eu le temps d’apprendre.
Le grand-père est un peu fier de l’admiration que lui porte sa petite fille mais il n’oublie pas le défi qu’ils se sont fixés.
- Allez, on y va ! On écarte bien les bras, tous les trois.
Mais malgré les efforts, ils ne parviennent pas à faire le tour de ce gros marronnier. Alors Papipolo aperçoit un homme en blouse bleue et l’interpelle :
- Ho, Rémi, on a besoin de toi !
Rémi arrive sans plus tarder, salue le grand-père d’un joyeux :
- Salut Paulo !
Et tous se remettent en place. A quatre, c’est mieux. Ils réussissent enfin à faire le tour de l’arbre. Puis Rémi s’en va rapidement.
- Tu le connais ? demande Colin à son grand-père. C’est ton copain ? Pourquoi il est déjà parti ? Il est pressé ?
Sous le flot des questions, Papipolo s’exclame :
- Tout doux, mon petit ami, laisse-moi te répondre ! Faisons un tour du parc en marchant, je vais vous expliquer comment j’ai rencontré Rémi.
Et le grand-père commence son récit :
- La première fois que je l’ai vu, il descendait de sa camionnette, là bas, près des sanitaires. Je faisais mon jogging et je lui ai dit « Bonjour » en passant, comme à tous les gens que je croise. Mais bizarrement il s’est retourné, comme si je saluais quelqu’un derrière lui. La semaine d’après, ça s’est passé exactement de la même façon. Sauf que, après avoir fait 200 mètres, j’ai entendu quelqu’un qui criait : « Bonjour Monsieur ! ». C’était Rémi, il venait sans doute de se rendre compte que c’était bien lui que je saluais. A partir de ce moment-là, on s’est salués chaque semaine comme deux vieux camarades.
- Il était très timide alors ? a suggéré Youna.
- Non, répond le grand-père. Un jour il m’a expliqué la raison de son comportement. Il m’a dit qu’habituellement, personne ne fait attention à lui. Il pense que c’est parce qu’il nettoie le parc. C’est un métier qui n’est pas reconnu, pas valorisé parce qu’il ramasse les détritus des autres. Ce n’est pas un métier important pour les gens. Alors ils ne le regardent pas. Il dit même en rigolant qu’il a l’impression d’être transparent parfois.
- Pourtant il est très utile, son travail ici, hein Papipolo ? remarque Colin.
- Tu as raison, mon p’tit bonhomme ! Sinon on marcherait dans les papiers gras.
- Beurk ! s’exclame Colin.
- Les cannettes de bière, poursuit le grand-père.
- Beurk !crie Youna.
- Sans compter les crottes de chien !
- Beurk et trois fois beurk, font les deux enfants en écho.
Puis ils continuent leur petit tour en chantant, en sautillant et en jouant à s’attraper.
Mais quand ils croisent Rémi, occupé à vider les poubelles, les deux enfants s’écrient en même temps :
- Merci Monsieur !
- De rien les enfants ! répond Rémi dans un grand sourire. Il ne sait pas vraiment pourquoi les enfants le remercient. Est-ce pour avoir fait la ronde autour de l’arbre ? Ce qu’il sait en tout cas, c’est que c’est bien la première fois qu’on le remercie pendant son travail et cela lui fait bien plaisir.
Papipolo aussi est très content d’avoir des petits enfants si intelligents et si bien élevés.