dimanche 17 janvier 2010

Drôle de rencontre

Tranche d’âge : 5 – 7 ans
Durée : 4 mn


Mercredi j’ai rencontré le petit Ousmane à la boulangerie. Il était tout essoufflé, alors je lui ai demandé si tout allait bien. Il m’a rassurée en me demandant de ne rien dire à sa grand-mère. C’est elle qui le garde le mercredi depuis qu’il est tout petit. Ils ont l’habitude d’aller chercher la baguette toute fraîche pour accompagner les bons petits plats qu’elle lui prépare.
Maintenant qu’il a sept ans, Ousmane se trouve assez grand pour y aller tout seul. Mais sa grand-mère refusait toujours, prétextant qu’il pouvait lui arriver toutes sortes d’incidents.
C’est la semaine dernière que les choses ont changé, grâce à la neige. Souvenez-vous, la semaine dernière, il y avait de la neige partout. Alors, elle a enfin autorisé le petit garçon à y aller tout seul parce qu’elle avait peur de tomber. Il était si fier et si content en rentrant avec sa baguette sous le bras qu’elle lui a permis de recommencer.
Et cette semaine, un incident comme ceux que sa grand-mère redoutait, est arrivé. Voici ce que le petit garçon m’a raconté :

« Quand je suis sorti de la maison, j’étais très content. J’espérais bien rencontrer un copain de l’école pour qu’il me voie tout seul. Alors j’ai fait un petit détour pour rallonger le chemin et profiter de ma liberté. Dès que je suis arrivé à l’angle de la rue des Cinq continents, j’ai aperçu, à l’autre bout, un chien assis, immobile. J’aime bien les chiens en général mais ma grand-mère me dit toujours qu’il faut se méfier des chiens qui ne sont pas accompagnés. C’était le cas. J’aurais pu revenir en arrière ou changer de chemin mais je me disais que j’étais grand et que je ne devais pas avoir peur. Alors j’ai continué à marcher.
Tout à coup, lorsque j’étais déjà au milieu de la rue, le chien a changé d’attitude. Il s’est levé et sa tête est devenue méchante. J’ai frissonné en comprenant qu’il était trop tard pour faire demi-tour. J’ai continué à marcher en pensant très fort à ma grand-mère qui m’aime tant. Je lui ai demandé de me donner du courage, elle qui a vécu tant de choses bien plus affreuses dans son pays. Ma peur s’est presque envolée.
Mais soudain, le chien se redresse ; ses pattes sont raidies et sa queue levée toute droite vers le ciel. Il grogne et montre ses canines pointues. Mes jambes à moi deviennent toutes molles. Je suis perdu. Ca y est, il s’élance, alors je me retourne et je cours, je cours, je cours… Je suis tellement affolé que je ne pense plus à rien, sauf au chien qui est en train de me rattraper.
Puis, tout à coup, j'entends un drôle de sifflement à côté de moi. C’est le chien qui me dépasse à toute vitesse. Le museau en avant, les oreilles en arrière et le ventre à terre, il court, il court, il court… Au même moment j’aperçois un autre chien au bout de la rue.
C’est ce chien qui l’intéresse ! Ouf ! Je suis soulagé. Quand l’autre chien comprend ce qui se passe, vite, il se sauve. Et moi, je reprends le chemin de la boulangerie. »

Pendant que Ousmane me racontait son aventure, j’ai vu un chien arriver et s’asseoir près de la porte de la boulangerie.
- Regarde, ai-je dit au petit garçon, ne serait-ce pas ton chien, là-bas, près de la porte ?
Ses grands yeux étonnés et son sourire m’ont appris qu’il s’agissait bien de ce chien. Alors, je lui ai dit :
- Je pense que c’est toi qu’il vient voir. Il a vu qu’il t’avait fait peur et il veut te demander pardon, tu ne crois pas ? Allons le caresser si tu veux.
Et c’est ce que nous avons fait tous les deux. Le chien avait l’air très content, d'autant que le garçon a fini par lui donner un petit morceau de pain frais. L’animal n’a rien demandé d’autre, il est parti tranquillement, puis il s’est retourné pour nous regarder. Alors j’ai vu que les yeux d’Ousmane brillaient beaucoup. J’ai pensé : « C’est peut-être le froid », mais je crois plutôt que c’était l’émotion.
Ousmane m’a encore demandé de ne rien dire à sa grand-mère. J’ai promis.
Et vous, mes amis, vous n’allez rien dire non plus, n’est-ce pas ? Ousmane est si content d’aller chercher le pain tout seul ! Et il ne faudrait pas effrayer sa grand-mère.