dimanche 31 janvier 2010

Le monstre de la rivière

Tranche d’âge : 5 – 8 ans
Durée : 5mn

Cette histoire s’est déroulée dans une ville il y a bien longtemps mais on la raconte encore aujourd’hui avec passion et frayeur.
Les habitants disaient que leur fleuve était habité par le plus méchant et le plus affreux des monstres. On racontait que son corps gigantesque était entièrement recouvert d’écailles noirâtres et que sa queue, courte mais très puissante, lui permettait de se déplacer facilement. On voulait l’attraper ? Il disparaissait aussitôt On voulait le frapper avec un épieu ? Ses écailles hirsutes et résistantes déséquilibraient le plus habile et le plus fort.
L’animal avait-il des pattes, des nageoires ou bien des ailes ? On ne le sut jamais vraiment, si bien que les gens craignaient de le voir à tout moment sortir brusquement du fleuve, les transformant en proies vivantes. Ils craignaient aussi que sa masse volumineuse ne fasse déborder le fleuve et entraîne la plus grande crue du siècle.
On racontait encore qu’il était si horrible à voir que les personnes qui avaient eu le malheur de l’apercevoir devenaient aveugles sur le champ. Celles qui avaient fait cette malheureuse expérience frémissaient encore en décrivant la face immonde de la bête qui n’avait qu’un œil, planté juste au-dessus de la gueule vorace.
Et c’était bien cela le pire ! Le monstre était vorace, affamé, insatiable. Plus exactement, il exigeait une chose invraisemblable pour qu’on se débarrasse de lui : il exigeait qu’on lui donne à manger un enfant de six ans.
C’était précisément l’âge qu’avait Justin. Sa famille était très pauvre et il se faisait beaucoup de soucis pour sa mère qui devait s’occuper seule de ses huit enfants. Il s’était décidé une nuit lorsqu’il avait entendu des sanglots venant de sa chambre. Oui, il allait se sacrifier pour sa famille et pour tous les habitants de sa ville. Oui, il irait se jeter dans la gueule vorace de la bête immonde ! Ainsi plus jamais il ne verrait la terreur dans les yeux de sa mère et de ses sœurs lorsqu’on évoquait l’horrible monstre de la rivière. Il s’endormit avec cette idée en tête.
Mais le lendemain, avant de passer à l’action, il voulut s’assurer d’une chose et alla demander à sa mère :
- Ma chère Maman, tu ne serais pas trop triste si un jour, je disparaissais ? Il te resterait encore sept enfants !
- Mon pauvre enfant, tu n’y penses pas ! C’est le pire malheur qui pourrait m’arriver ! Je prie chaque jour pour que cela n’arrive jamais. Je préférerais être dévorée toute crue par le monstre ou engloutie par le fleuve plutôt que de voir un seul de mes chers enfants disparaître.
Justin comprit que son sacrifice serait trop douloureux pour sa Maman. Alors, il réfléchit longuement.
Un jour, on vit le petit garçon se précipiter chez le menuisier et ressortir de l’atelier quelques heures plus tard avec un morceau de bois rond et bien poli sous le bras. Il se rendit ensuite dans la quincaillerie de M. Marcel où l’on trouvait toutes sortes d’objets. C’est là que se retrouvaient tous les inventeurs du pays car tout ce qu’ils cherchaient pour donner forme à leurs idées les plus folles, ils le trouvaient chez M. Marcel.
Lorsque le soleil disparut, que le soir commençait à envelopper chaque chose d’un halo de mystère, on aperçut la silhouette d’un petit garçon sortir du magasin de M. Marcel et se diriger vers le fleuve.
Le petit garçon s’installa sur le parapet du pont et attendit le monstre. Il attendit longtemps, longtemps, si longtemps qu’il finit pas se demander s’il y ne rêvait pas.
Mais tout à coup un brusque remous de l’eau, accompagné d’un cri grinçant et déchirant le réveille. Il prend alors son élan et jette violemment quelque chose au beau milieu du tourbillon agité. Aussitôt, tout redevient calme. Il peut enfin rentrer se coucher.
Dès le lendemain le bruit courut dans la ville que le monstre avait disparu. Les badauds accouraient sur le quai. On constata en effet que la rivière n’avait jamais été aussi calme.
Justin se faufila entre les jambes des curieux et admira avec eux le doux velours de la rivière. On aurait dit une personne qui retrouvait la santé après une terrible maladie, elle respirait calmement en aspirant l’air avec gourmandise. Le petit garçon était fier d’avoir libéré la ville en trompant le monstre.
Car vous savez ce qu’il avait lancé dans la gueule vorace ? C’était sa marionnette ! Oui, la marionnette de Justin. Et le monstre avait tout avalé : la marionnette du garçon et la ruse.
Quel dommage que les gens aient eu peur si longtemps d’un tel montre ! Il était peut-être horrible mais il n’était pas malin !
Encore fallait-il qu’un petit garçon courageux le découvre.
Mais ne le dites à personne, mes amis, c’est son secret. Il est très vieux maintenant et il l’a gardé toute sa vie. Laissez-le lui encore un peu !