dimanche 11 avril 2010

Gabin chevalier

Tranche d'âge : à partir de 5 ans
Durée : 7 mn


Aujourd’hui, je vais vous raconter la suite de l’histoire de Gabin. Souvenez-vous, c’est l’histoire de ce jeune paysan de huit ou neuf ans qui rêve de devenir chevalier. Je vous ai raconté le début de son aventure le 21 février.
Gabin avait assisté au combat de deux chevaliers, aussi beaux et vaillants l’un que l’autre, et tous les deux, amoureux de la même demoiselle. Au moment où le Chevalier des Egrieux avait menacé son adversaire d’un coup fatal, la belle Clothilde avait demandé la grâce du Chevalier de Baudricourt en déclarant que c’est lui qu’elle aimait.
En vrai chevalier, bon et loyal, le Chevalier des Egrieux avait laissé la vie sauve à son rival. Il avait laissé tomber son épée, avait fait demi tour avec dignité et s’en était allé, le bras droit gravement blessé.
Gabin avait compris le chagrin et le désespoir qui habitait le malheureux chevalier. Aussi, il avait quitté la foule occupée à admirer les deux amoureux puis il était sorti du château. Il était rentré chez lui, avait retrouvé sa sœur aînée Bertrande qui l’aime et le soutient depuis toujours et il lui avait raconté ce qu’il venait de voir en lui répétant qu’il désirait, plus que jamais, devenir un chevalier.

Une fois encore, elle pense qu’il n’y parviendra pas parce qu’il n’est qu’un malheureux paysan mais son regard étincelle lorsque Gabin lui montre la belle épée du Chevalier des Egrieux. La poignée incrustée d’or et de rubis rappelle au garçon la cotte de maille rouge vif du Chevalier et son heaume entièrement recouvert d’or. Jamais plus, pense-t-il, le Chevalier n’ aura une aussi belle épée. Cependant, le fil tranchant de l’arme fait frémir le jeune garçon. Il demande à sa sœur de n’en parler à personne et fabrique un fourreau de fortune avec une toile durcie et des liens solides pour l’abriter des regards et des tentations.
Le soir venu, il glisse l’épée sous sa paillasse mais il s’endort difficilement et se réveille au bout de deux heures de sommeil. C’est décidé, il veut aller à la recherche du Chevalier pour lui rendre son épée. Il se dirige vers la paillasse de Bertrande qui ne dort pas non plus. Elle sait que Gabin va partir et au lieu de le réprimander, elle lui sourit en lui disant :
- Ne t’inquiète pas, je trouverai bien quelque chose à dire à notre mère pour qu’elle te pardonne ton départ et qu’elle ne te fasse pas chercher.
L’émotion de Gabin est grande et il ne sait que répondre à tant de sollicitude. Voici la réponse qu’il lui fait :
- Quand je serai chevalier, je te ferai Princesse.
Bertrande lui sourit à nouveau et l’embrasse tendrement en lui souhaitant bonne chance. Elle lui fait promettre de bien faire attention à lui.
Avant de quitter la maison, il s’empare d’un quignon de pain et d’un morceau de lard qui devraient lui suffire pour une journée ou deux.
La nuit est encore assez épaisse lorsqu’il trouve le chemin qui sort du village. En arrivant à un croisement de deux routes, il ne sait laquelle prendre. La faim qui le tenaille depuis un moment l’incite à s’asseoir pour manger un morceau de pain. Pendant sa collation, le soleil s’est levé et, grâce à sa première lueur, il découvre un indice qui le guide : trois gouttes de sang. Il ne doute pas un instant qu’il s’agit là du sang qui s’écoule de la blessure du Chevalier des Egrieux. Il reprend le chemin en accélérant le pas, craignant à tout moment de découvrir le corps du pauvre Chevalier.
Il marche toute la journée. Il n’a même pas pris le temps de s’arrêter pour finir son pain. C’est un garçon livide et très fatigué qui arrive le soir au village de Brécy. Tout le monde s’interroge sur son identité et il se retrouve invité, sans avoir rien demandé, à l’auberge du village. Curieux de savoir d’où il vient et la raison de son voyage, l’aubergiste et sa femme s’empressent de lui fournir un bon repas. Jamais il n’a aussi bien mangé mais au moment où il engloutit le dernier morceau de poulet aux champignons si bien cuisiné, il s’arrête en se demandant comment il va payer ces bonnes gens. Mais ceux-ci le rassurent rapidement en lui disant :
- Prends ton temps, ensuite tu nous raconteras ton voyage et si nous en avons pour notre argent, tu pourras dormir tranquillement à l’auberge.
Gabin est heureux d’entendre une telle proposition. Il sait en effet que les routes sont très dangereuses la nuit. Combien de fois a-t-il entendu des récits d’attaques de brigands, prêts à tout pour détrousser les voyageurs ? Bien sûr il a l’épée mais elle cachée dans son fourreau et il doit bien avouer qu’il ne sait pas s’en servir. Alors il répond que c’est avec un grand plaisir qu’il leur racontera son aventure.
La moitié du village est réunie autour de lui lorsqu’il commence son récit. Il raconte tout son rêve de devenir chevalier et l’occasion unique qu’il n’aurait manquée pour rien au monde d’assister au combats de deux chevaliers illustres et courageux. Prenant le temps de décrire l’éclat des deux combattants, leur armure étincelante et leur ardente monture, il se rend compte qu’il est capable d’émerveiller son auditoire. Il en est très heureux et s’applique à rendre compte du combat mémorable dans ses moindres détails. Les villageois sont conquis. Ils l’applaudissent vivement et lui font promettre de venir raconter la suite à son retour. L’aubergiste lui annonce qu’après la bonne nuit de sommeil qui l’attend, il lui donnera suffisamment de victuailles pour que garçon tienne deux ou trois jours.
C’est exactement ce qui se passe le lendemain, au petit matin. La besace de Gabin croule sous le poids des fruits, des morceaux de viande fumée, des pommes de terre rissolées et de nombreuses galettes.
Mais son cœur est léger. Il sait qu’il retrouvera le Chevalier des Egrieux s’ il ne tarde pas trop. C’est ainsi qu’il voyage encore deux jours, s’arrêtant dans une nouvelle auberge et gagnant le logis et le couvert comme dans la première.
Au cours de la seconde journée, il s’inquiète lorsqu’il ne voit plus les traces de sang. Il décide alors de prendre un chemin qui mène à un château. Serait-ce celui du Chevalier ?
Son cœur se met à battre en arrivant dans la cour. Les murs sont impressionnants et la façade est austère. Deux fenêtres à l’étage sont grand-ouvertes alors qu’il ne fait pas encore bien chaud. Mais ce qui effraie surtout le garçon, c’est que rien ne bouge dans ce château. Il faut pourtant y pénétrer pour en avoir le cœur net.
C’est en effet là qu’il découvre le Chevalier, presque inerte, sa blessure grossièrement pansée dans un morceau de drap souillé. Sans traîner, Gabin le nourrit, change son pansement avec délicatesse et, de manière aussi attentionnée, ôte la précieuse épée du fourreau et la rend au Chevalier.
A cette vue, celui-ci retrouve un peu de vivacité et interroge l’enfant. Comprenant maintenant l’exploit courageux de Gabin, il montre sa reconnaissance en lui disant :
- En me rendant ma bonne épée, tu m’as rendu l’envie de vivre. Jamais je ne te remercierai assez de ce que tu as fait pour moi. Y-a-t-il quelque chose que tu désires et que je puisse satisfaire ?
- Je voudrais devenir un chevalier, comme vous, répond aussitôt Gabin.
Le Chevalier des Egrieux explique alors au garçon qu’il est encore trop jeune pour être adoubé chevalier mais il lui promet que, s’il revient des Croisades, il le retrouvera et l’entraînera comme il se doit pour lui permettre d’accomplir son rêve.
- Je suis sûr que vous reviendrez, dit Gabin pour le remercier.

En effet, Gabin avait raison. Cinq années plus tard, le Chevalier des Egrieux était revenu des Croisades où il s’était illustré de hauts faits guerriers pour gagner la confiance du Roi et, ainsi, lui demander la faveur d’anoblir un jeune garçon très méritant.
Comme il avait obtenu cette faveur sans difficulté, le Chevalier avait retrouvé le jeune homme qui l’attendait depuis cinq ans. Et à côté de lui, il avait pu admirer une très belle jeune fille, à la chevelure ondoyante, au teint frais, aux yeux vifs et doux à la fois et à la voix ensorcelante. Le Chevalier des Egrieux était tombé amoureux sur le champ. Le nom de la jeune fille aussi lui plaisait beaucoup. Elle s’appelait Bertrande. Quel joli nom pour une Princesse !