dimanche 7 mars 2010

Le Pont des enfants

Tranche d’âge : à partir de 4 ans
Durée : 5 mn

Connaissez-vous l’histoire du fleuve Malabar qui séparait si bien un village en deux que tout y était différent ? Les traditions, la religion, la nourriture, tout y était vraiment différent. Et pourtant, il s’agissait du même village qui s’appelait Goujarat et qui avait été créé dix siècles plus tôt. A ce moment là, le fleuve Malabar n’était qu’une toute petite rivière et le village ne faisait qu’un. C’est petit à petit que lit de la rivière s’était agrandi et qu’il avait fini par séparer les deux parties du village.
Finalement, les habitants des deux côtés avaient perdu l’habitude de se parler. Seuls quelques uns essayaient encore d’entretenir la communication mais, à cause de la largeur du fleuve, ils ne réussissaient pas toujours à se faire entendre ou pire, ne faisaient qu’alimenter la querelle.
En effet, si l’un, du côté est, disait :
- Aujourd’hui, il fait bien meilleur !
L’autre, du côté ouest, comprenait :
- Sapristi, va te faire voir ailleurs !
Alors ce dernier n’était pas content et s’en allait en rageant et en injuriant celui qui lui avait parlé. Ou bien une autre fois, c’était un habitant de l’ouest qui criait :
- Oh ! Il fait froid, très très froid !
Et l’autre entendait :
- Oh ! Toi là-bas, tire-toi de là !
Ou bien encore, l’un disait en montrant un outil :
- Avez-vous besoin du mien ?
Et l’autre comprenait :
- Vous êtes un bon à rien !
Avouez que dans ces conditions, il est très difficile de bien s’entendre. Les habitants de Goujarat s’étaient, malgré tout, habitués à vivre avec cette mésentente.

Mais un jour, Yuka et Konrad, deux enfants de l’est, curieux de voir ce qui se passait à l’ouest, fabriquèrent un radeau avec des morceaux de bois flottant. Ceux d’en face, voyant qu’ils s’amusaient bien, en firent autant. Et, timidement d’abord, puis avec de plus en plus de hardiesse, les deux embarcations se rencontrèrent à l’insu des parents. Sur le radeau de l’ouest, il y avait Milena, Ana et Istar.
Les enfants se rendirent compte très rapidement qu’ils parlaient la même langue et qu’ils avaient tout pour s’entendre.
Un samedi après l’école, ils jouaient si bien ensemble au milieu du fleuve que deux d’entre eux tombent à l’eau. Panique à bord, ils ne savent pas nager ! Mais ils s’accrochent et les autres réussissent à les hisser sur les radeaux. Tous sont mélangés maintenant. Sur chacun des radeaux, il y a des enfants de l’ouest du village et des enfants de l’est. Alors ils accostent sur la rive la plus proche et se retrouvent tous à l’ouest, trempés , fatigués mais contents de mettre le pied sur la terre ferme.
Quand les parents aperçurent la joyeuse troupe, d’abord ils levèrent les bras au ciel en s’exclamant :
- Qu’avez-vous encore fait ? Mais d’où viennent ces enfants ?
Puis ils comprirent ce qui était arrivé et furent soulagés de voir tous les enfants sains et saufs. Alors ils ne dirent plus rien et la mère de Milena emmena tous les petits rescapés chez elle pour leur donner des vêtements secs.
Pendant ce temps, les autres parents discutaient et s’interrogeaient :
- Comment va-t-on les ramener ? demanda le père d’Ana. Il est hors de question de les renvoyer sur leur radeau de fortune !
Les autres pères, et tous les voisins qui étaient accourus, acquiescèrent. Impossible de faire courir le moindre risque à ces deux petits êtres apeurés qu’ils venaient de découvrir. En effet, Yuca qui était tombée à l’eau tremblait de tout son corps, et Konrad, qui était conscient de ne pas avoir accosté du bon côté, n’était pas très fier.
Les villageois de l’ouest réfléchirent et discutèrent longtemps quand, tout-à-coup, l’un d’eux eut une idée et tout le monde reprit :
- Mais oui, bien sûr, il faut construire un pont entre ces deux rives !
Maintenant qu’ils avaient cette bonne idée en tête, ils trouvèrent facilement le moyen de communiquer. Ils coururent alors vers le fleuve Malabar et aperçurent de l’autre côté tous les habitants de l’est qui commençaient à s’inquiéter sérieusement pour leurs enfants et qui venaient interroger le fleuve. Le père d’Istar mit alors ses mains en porte-voix et cria :
- Rassurez-vous, ils sont là ; ils vont bien !
Le cri de soulagement poussé par ceux de l’est faisait plaisir à entendre et encouragea ceux de l’ouest à proposer leur projet. Tout le monde tomba d’accord et dès le lendemain, on amena les premières pierres de chaque côté. Il fallait un pont solide pour effacer tant d’années de discorde.
Trois mois plus tard, les ouvriers des deux côtés se rejoignirent et le soir, on fit une fête gigantesque pour fêter les retrouvailles entre Yuka, Konrad et leurs parents. Les habitants des deux côtés étaient si curieux de savoir quelles étaient les traditions, la religion, la nourriture de l’autre côté que la fête dura jusqu’au matin.
Et depuis, à cette même date du 7 mars, jour de l’inauguration du pont, les habitants de Goujourat font une fête majestueuse qui est devenue célèbre dans tout le pays. Cela dure depuis si longtemps maintenant que la plupart des gens ne connaissent pas, comme vous, cette belle histoire du Pont des enfants. Il n’y a plus que les vieux qui sont capables d’expliquer pourquoi on l’appelle aussi : Le Pont de la réconciliation. Si vous voyiez comme il a fière allure le jour de la fête ! Il est toujours aussi solide ; pas une pierre n’a bougé et, quand il est décoré de rubans de toutes les couleurs, on dirait qu’il chante et qu’il danse avec tous les villageois.